La rotonde de Graville 2 (suite et fin)
Devenue inutile la rotonde est délaissée. Cependant l’eau de la source est toujours utilisée par les Gravillais.
En 1864 on déplace le lavoir et la fontaine afin de construire la nouvelle mairie. La rotonde quant à elle est simplement recouverte.
A gauche, la mairie au début du XXème siècle. La flèche rouge indique le lavoir et la fontaine. A droite le même point de vue de nos jours. © Dan.
Quelque temps plus tard le lavoir disparaît afin de construire le service municipal des pompes funèbres, une concession tenue D. Delaunay. Remarquez sur cette photo, la mairie s’est dotée d’une belle marquise au-dessus de la porte d’entrée.
Le point rouge désigne l’établissement des pompes funèbres de la ville de Graville. Collection JP. François.
Puis surviennent la guerre et les bombardements. Après le centre-ville le 5 septembre, c’est au tour de Graville le 6 de recevoir une averse de bombes. On dénombrait de nombreuses victimes. Habitations, monuments, édifices publics, rien n’y échappe, à l’image de l’abbaye de Graville, ou de la mairie.
L’abbaye de Graville en 1944 dont le chevet est sévèrement touché. Le même lieu nos jours avec le chevet restauré. © Dan.
La mairie annexe détruite en 1944 et reconstruite en 1957 par l’architecte Jean Le Soudier. © Fornallaz Dan.
Un peu partout les Havrais cherchent un abri pouvant résister aux bombes. Les Gravillais voient en la rotonde un refuge possible. Jusqu’au 6 septembre rien ne vient démentir cette impression de sécurité.
Plan de la rotonde par Jean-Paul Dubosq, d’après le document de monsieur Desnos. En pointillé et en bleu la mairie annexe actuelle superposée à l’ancienne mairie de 1864 (toit hachuré).
Mais le 6 septembre la rotonde est touchée faisant plusieurs victimes et provoquant d’énormes dégâts. Un des rescapés, Maurice Desnos, raconte (en voici quelques extraits) :
« Un grondement de moteurs nous parvient de la mer, tous les yeux se tournent vers cette direction, une bombe de marquage tombe à moins de 50 mètres de notre abri. Nous n’en attendons pas davantage et tout le monde se précipite à l’intérieur de la rotonde (…) Tout tremble, vacille, tangue. Le sol se soulève, et nous avec, assis sur nos chaises. Les déflagrations se multiplient à un rythme effarant. Les lampes s’éteignent et se rallument suivant la cadence des explosions. Les murs sont secoués de spasmes, les ondes de choc se répercutent sur les parois de notre caserne, nous coupant le souffle et nous percutant les oreilles. Et toujours cette âcre odeur de soufre qui nous prend à la gorge et nous fait tousser. Le sol de terre battue vibre sous nos pieds. (…) L’intensité du bruit est telle que nous n’entendons pratiquement plus rien (…) Par gestes, je parviens à faire comprendre à Denise, qui est très près de moi, qu’il faut absolument qu’elle mette quelque chose de dur entre ses dents pour éviter l’éclatement des poumons (…) A peine a-t-elle terminée qu’une violente déflagration ébranle les murs de notre abri, nous projetant les uns sur les autres. Une poussière pulvérulente nous envahit et nous étouffe. Des cris, des hurlements, des appels, des pleurs. (…) Et puis les lumières s’éteignent c’est le noir absolu. La panique alors atteint son paroxysme. Sans transition, on pourrait dire presque sans bruit, le plafond de la voûte que nous venons de quitter s’écroule. Une vague de terre m’ensevelit à demi. Les cris, hurlements plutôt, sont atroces à entendre. Peu à peu, la mort fait son œuvre… ».
Ces quelques lignes sont explicites, et reflètent ce que furent ces bombardements dans cet abri qu'ils croyaient solide. Ces extraits de textes sont tirés de l’ouvrage de Jean-Paul Dubosq : « Le HAVRE 1939-1944. Les abris sanitaires civils et allemands ».
La rotonde aujourd’hui est visitée chaque année lors des journées du patrimoine. En voici quelques photos que nous devons à Jean-Paul Dubosq, et Laurent Bréart.
Photos Laurent Bréart.
Photo Laurent Bréart. L’inscription n’est pas d’époque.
De nos jours seule une plaque commémorative rappelle le drame qui s’est déroulé ici en1944. Difficile dans ce contexte d’imaginer l’histoire de ce « monument » pas tout à fait comme les autres.
La mairie annexe de Graville, 161 rue de Verdun. © Dan.
C’est sous cette végétation derrière la mairie annexe, qu’est située la rotonde. © Dan.
Sources :
Le Havre 1939-1944, Les abris sanitaires civils et allemands Jean-Paul Dubosq 1992.
Remerciements :
Jean-Paul Dubosq.
Aline Lemonnier Mercier pour les photos de Laurent Bréard.
Jean-Paul François pour le prêt de sa carte postale.
* * *
Merci de votre visite et commentaire.