Pour ou contre le comblement des bassins du Roi et du Commerce ? (1)
Cette question peut sembler incongrue aujourd’hui, elle a pourtant fait débat dans les journaux Havrais de 1945. Beaucoup désiraient leur conservation mais d’autres voulaient les combler.
L’état du bassin du Roi en 1944 © Florent Haté.
Revenons un peu en arrière, en octobre 1944, les Ponts et Chaussées sont chargés de niveler les zones à reconstruire et d’évacuer les gravats, mais que faire de ces derniers ? Une partie est employé au rehaussement du niveau des rues. Mais cela ne suffit pas à les absorber totalement. Aussi est-il décidé de les déverser dans le bassin du commerce au nord du quartier Saint François.
Le dégagement des ruines se faisait à la main au début. Cela n’empêchait pas les ouvriers de garder leur bonne humeur. © Dan.
Par marée basse, et sans vague, on peut encore voir l’accumulation des gravats dans le fond du bassin du commerce le long du quai d’Angoulême (partie Est du bassin).
Le bassin du commerce quai d’Angoulême. © Dan.
Informée, l’association des « Amis du Vieux Havre » contacte la ligue urbaine et rurale (1). Elle avertit Raoul Dautry de ce déversement injustifiable dans le bassin.
En visite au Havre le 10 décembre celui-ci ordonne l’arrêt du comblement. S’ensuit une campagne de presse notamment dans le journal Havre-Libre pour connaitre l’opinion des Havrais sur ce sujet.
(1) Fondé en 1943 par Jean Giraudoux pour la préservation du patrimoine, Raoul Dautry en est le vice-Président.
Havre-Libre mercredi 28 février et samedi 24 et dimanche 25 février 1945.
A gauche le bassin du Roi en 1944 Photo Fernez. A droite aujourd’hui © Dan.
Quels sont les principaux arguments des uns et des autres ?
Pour les partisans du comblement, y déverser les ruines évite leur transport coûteux ailleurs. Ces bassins n’étant plus utilisés par le port pourquoi ne pas les combler et aménager à la place jardin ou piscine.
A gauche le bassin du Commerce en 1944. Collection Thérèse Dumont. A droite de nos jours. © Dan.
Pour ses défenseurs, les bassins caractérisent Le Havre et son histoire. Qu’adviendrait-il si on les efface de nos mémoires ? Tous sont d’accord pour ne pas répéter les erreurs du passé, à savoir les démolitions : du Logis du Roi, de la porte Richelieu ou de la tour François 1er.
Deux plans études parmi ceux proposés en 1945, celui de José Imbert à gauche, et celui de André Le Donné à droite. © AMH.
En septembre 1945, le conseil municipal réuni en comité secret adopte le plan Félix Bruneau. Il est refusé par le MRU qui confie le centre-ville à l’équipe d’Auguste Perret en février 1946, sans y inclure les quartiers d’aplemont et Saint François attribués à des architectes locaux.
La semaine prochaine nous verrons les conséquences qu’aurait pu avoir le comblement des bassins, et ce que cela implique pour ce quartier historique aujourd’hui.
La situation du bassin du Roi, en rouge, et du bassin du commerce, en vert, dans le Havre.
Sources :
La presse Havraise de 1944 à 1949.
« Les Bâtisseurs » VDH secteur Ville d’Art et d’Histoire – AMH - Musée Malraux.
« Le Havre 1930-2006 » Martine Liotard. Juin 2007. ISBN 978-2-7084-0788-6.
Remerciements :
Florent Haté.
Thérèse Dumont.
La page Goé, ou la libre expression d’un caricaturiste sur les sujets traités ici.
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