L'Hôtel des Sociétés Savantes au Havre
Par Françoise Amiel-Hebert
Le Havre est une ville jeune à plusieurs titres : elle a eu cinq cents ans en 2017 et soixante seulement si l’on se réfère à la reconstruction des quartiers dévastés en 1944. Ses monuments anciens se comptent à peine sur les doigts des deux mains. Néanmoins quelques édifices du XIXe siècle ont échappé aux destructions. Ce sont des demeures voulues par de riches négociants qui ont fait appel aux artistes les plus divers pour les décorer. L’Hôtel des Sociétés Savantes rue Anatole France au Havre est l’un d’eux, construit en 1870 sur les plans de l’architecte Roussel, et orné par les sculpteurs Kammer et fils.
Le 56 rue Anatole France de nos jours. © Dan.
L’origine.
Au début des années 1840 Le Havre intra-muros atteint une telle densité, que l’on construit dans ses faubourgs. Ces terrains ne sont encore que jardins, herbages ou bosquets. Ils sont acquis par les négociants et promoteurs, comme la société Belissent-Morel. Une nouvelle artère y est tracée, la rue Napoléon. Elle garde ce nom jusqu’en 1870, puis devient la rue du Lycée la même année. Enfin en 1924 elle prend le nom d’Anatole France.
L’emplacement du 56 en 1860.
Négociant d’origine bordelaise Jules Russeil s’établit au Havre en 1863-1865 et achète un terrain en vue d’y construire un hôtel particulier. Mais il meurt en 1873, sa fille Catherine en hérite et mène à bien ce projet. Mariée à Jean-Louis Ferdinand Le Bris, ils construisent ensemble l’hôtel particulier, il deviendra « l’Hôtel des Sociétés Savantes ».
La disposition du rez-de-chaussée. Les rectangles rouges symbolisent les radiateurs du chauffage central installé en 1919.
Son style extérieur.
Sa façade est de caractère classique en briques et pierres de taille, mettant en valeur les sculptures des Kammer père et fils. Elle présente trois niveaux dont deux étages carrés, c'est-à-dire de même hauteur de plafond. Au rez-de-chaussée les balcons sont en pierre calcaire, aux étages et au centre ce sont des portes-fenêtres soulignées par un balcon en fer forgé. Le toit en ardoises comporte cinq ouvertures dont quatre œils-de-bœuf et une fenêtre mansardée surmontée d’une feuille stylisée.
Le deuxième niveau avec ses balcons en fer forgé surmontés par la mansarde et les œils-de-bœuf. © FAH.
Son style intérieur.
L’ornementation des salons, dans le goût du XVIIIe siècle, est particulièrement riche et élégante.
Le grand salon avec sa cheminée monumentale et ses corniches au plafond © F.A.H.
La salle à manger de 7,70 mètres sur 4,50, d’un style plus sévère, mais néanmoins décorée avec soin. Elle comporte une cheminée monumentale en bois avec un foyer en fonte.
Plusieurs symboles y sont sculptés dont un lion signe de puissance, un dauphin pour rappeler l’activité maritime, et une salamandre symbole de François 1er et du Havre.
La cheminée de la salle à manger avec une des sculptures en bois dont la salamandre et la tête de lion. © F.A.H.
Le porche et son passage couvert permettent de descendre de voiture à l’abri des intempéries, et ouvre sur une arrière-cour avec jardin d’une superficie de près de 400 mètres2 loin des bruits de la rue.
Le passage couvert permettant d’aller dans l’arrière-cour. © FAH.
Pourquoi est-il nommé « Hôtel des Sociétés Savantes » ?
A la mort de son épouse en 1913, Jean Le Bris, âgé de 72 ans confie la vente de sa maison au notaire Me Hasselmann. La vente par adjudication au prix de 120 000 francs ne trouvant pas acquéreur, la ville du Havre l’achète 90 000 francs pour y installer une partie de son administration.
Mais la maison ne convient pas pour des bureaux. Le maire Begouen-Demeaux songe alors à y héberger des associations mais lesquelles ? Il écarte celles accueillant un public nombreux la villa n’étant pas aménagée pour le recevoir.
Des Sociétés Savantes demandent à y être admises, dont la plus ancienne la Société Havraise d’Etudes Diverses fondée en 1833.
Deux couvertures des recueils de la S.H.E.D 1938 & 2020.
L’installation de ces sociétés ne demande aucune modification notable dans la distribution de l’Hôtel. Les travaux envisagés se limiteront à quelques réparations d’importance secondaire, à l’installation du chauffage central et à l’extension de l’éclairage électrique au deuxième et troisième étage qui en sont dépourvus.
Le projet est entériné, mais survient la guerre 1914-1918 qui le suspend.
En 1919 l’Hôtel est repris par la ville en l’état, il a souffert pendant le conflit étant loué pour servir de classes au Lycée de Garçons voisin.
Il est restauré du sol au plafond. Les cheminées endommagées sont réparées, le chauffage central installé etc.
La cage d’escalier en 2008 avant l’installation d’un ascenseur. © FAH.
Les diverses Sociétés Savantes se réunissent sur place pour s’accorder entre elles. Sous l’égide de l’administration les diverses salles communes sont affectées à chacune d’entre elle. La répartition des locaux pour y aménager leurs bibliothèques, leurs collections et archives, est également faite en commun.
La vie s’y déroule paisiblement jusqu’en 1939. Pendant la guerre l’hôtel échappe de peu à la destruction. Les bombes tombent autour détruisant en partie le lycée François 1er, son annexe et le temple protestant
Encadré en rouge l’hôtel des Sociétés Savantes. En « 1 » la bombe sur le temple, en « 2 » sur le lycée, en « 3 » sur l’annexe du lycée. © I.G.N.
En 1947 par suite des bombardements de 1944, les nombreux éclats reçus nécessitent la réfection totale de la toiture et de ses neuf cheminées.
Un aperçu de l’imposante toiture de l’hôtel des Sociétés Savantes. © Dan.
En 1985, la Ville met à la disposition des Sociétés Savantes des locaux plus vastes et spacieux dans le fort de Tourneville, dont la salle Gaston Legoy mieux adaptés pour les conférences.
Cependant quelques associations y continuent encore des activités, notamment le Club des Aînés du quartier Thiers. Devenu inapproprié l’immeuble est vendu à des particuliers en 2009, ils lui conserveront son nom.
De nos jours nous pouvons toujours contempler ce bel édifice, ils ne sont pas si nombreux au Havre aussi apprécions le à sa juste valeur.
L’immeuble des Sociétés Savantes en 2012. © Dan.
Remerciements :
Madame Françoise Amiel-Hebert. Présidente de la S.H.E.D.
Merci également aux propriétaires de l'Hôtel qui ont permis à madame Françoise Amiel-Hebert de le visiter.
Sources :
Archives municipales du Havre : dossier Hôtel des Sociétés Savantes, référence : Fonds contemporain M1- carton 20, liasse 3bis.
Documents d’état civil.
Charles Vesque : Histoire des rues du Havre.
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