Avant la guerre la vie fourmillait sur le grand quai, touristes, pêcheurs, marins, l’animation était partout. Les cris des uns se mêlaient aux appels des autres avec en fond sonore les sirènes de bateaux. Les images du temps de paix illustrent bien cette effervescence avec les bateaux de toutes sortes venant accoster ici, dont ceux du sauvetage en mer désignée par les flèches rouges.

grand quai (ALG) 2 bisLe grand quai au début du XXème siècle rendez-vous des havrais pour leur promenade dominicale. © Michel Fouquet.

Avec la débâcle de 1940, le grand quai devient le lieu du désordre et de la panique, les Havrais fuient l’arrivée inéluctable des allemands. Ils veulent franchir la Seine pour s‘éloigner le plus loin possible des zones de combats et gagner le sud-ouest de la France ou la Bretagne. Les bateaux franchissant la Seine sont pris d’assaut. Même les petites embarcations servent au convoyage vers la rive du Calvados. Une photo résume bien cet affolement avec les véhicules abandonnés près du grand quai au bout de la rue de Paris.

Bout rond 1940 (FP) (1) ALGLes voitures abandonnées au bout de la rue de Paris près du grand quai. © François Pivert.

Avec l’avancée fulgurante des allemands les Havrais comprennent qu’il est inutile de fuir plus avant, en conséquence ils reviennent dans leur ville.
Au début de l’occupation le grand quai est encore un lieu public où les Havrais viennent chercher l’aide alimentaire distribuée par les femmes du NSV. (National Socialistische Volks / Volontaires pour prêter assistance aux soldats et civils sur tous les fronts)

 

Grand Quai (FP) (2) ALG
Distribution de vivres sur le grand quai par les femmes du NSV. Notez le sémaphore désigné par la flèche rouge. © François Pivert.

En 1942 le grand quai est inclus dans le « mur de l’atlantique », système de fortifications côtières s’étendant de la frontière hispano-française au nord de la Norvège.
Dès lors le grand quai devient zone interdite pour les Havrais.

Grand guai 1943 (2) ALGLe grand quai en 1943. © BAMA bundesarchiv.

Parmi ces allemands le grand quai voit le passage des « nachrichtenhelferin », que l’on peut traduire par « journalistes » de la Reichspropagandaleitung organe de la propagande du Reich. Ci-dessous des femmes de cet organisme visitent le grand quai peut-être pour faire un compte-rendu des installations militaires au Havre auprès de leurs supérieurs ?

Nachrichtenhelferin (FP) ALGLes "nachrichtenhelferin" autour du grand quai. © François Pivert.

En 1940 le grand quai est aussi un des lieux où se rassemblent les bateaux en vue de l’opération « UnternehmenSeelöwe » (opération lion de mer). Il s’agissait d’envahir l’Angleterre à partir de trois ports sur la manche : Boulogne-Sur-Mer, Le Havre et Cherbourg. Toutes les embarcations sont réquisitionnées, cela va du bateau de pêche au vieux cargo en passant par des péniches réaménagées en vue de cette opération. Sur les deux photos ci-dessous on se rend compte que ces bateaux n’étaient pas récents.


Deux bateaux réquisitionnés et armés pour le transport des troupes. A gauche amarré devant le bâtiment des douanes à droite passant devant le grand quai. © François Pivert.

Le 14 septembre 1940 Hitler renonce à envahir l’Angleterre. Il n’en demeure pas moins que les soldats allemands continuent leurs exercices militaires le long du grand quai notamment sur l’appontement de la « London and South Western Railway ».

Allemands au travail (double) VS ALGExercices des soldats allemands le long de l’appontement de la « Western Railways » © Vincent Senault.

Avec la guerre et les bombardements le grand quai subit des dommages très importants, mais ceux-ci n’entameront pas les blockhaus construits sur le quai comme on le constate sur les deux photos ci-dessous :

Southampton quai (MF) ALGLe grand quai vu vers l’est avec un blockhaus désigné par la flèche rouge. Nous le retrouvons sur la photo ci-dessous. © Michel Fouquet.

septembre 1944 (FP) ALGLe blockhaus désigné par la flèche rouge n’était pas seul, non loin se trouvait un autre bunker désigné par la flèche bleue. © François Pivert.

Les édifices et maisons le long du quai subiront eux aussi de dommages irréversibles à l’image du musée bibliothèque dont il ne restera rien après le déblai de ses ruines.

k62f7vxm-FID4Le musée bibliothèque en 1944. © Thérèse Bonney bibliothèque Bancroft, Berkeley USA.

Avant la restauration du quai on retire les épaves coulées qui l’encombrent. Le quai sera totalement différent après ces travaux. Les brise-lames disparaitront et le quai sera d’un seul tenant jusqu’au quai des remorqueurs. C’est ce que nous examinerons la semaine prochaine.

Le grand quai en 1945 devant l’appontement des bateaux pour Southampton et une vedette américaine avec derrière elle une épave coulée le long du quai. La flèche rouge désigne la maison de l’Armateur. © Michel Fouquet. Et le même endroit de nos jours. © Dan.

Suite la semaine prochaine.

Sources :
Le Havre un port : Serge Aubourg, Patrick Bertrand, Paul Scherrer. Editions Echos de vagues 2017.
Gérard Regnier : « Mon exode » OREP édition 2016.
Jean-Paul et Jean-Claude Dubosq « Le Havre 1940-1944 ».
Aline Lemonnier-Mercier « Le Grand Quai » 2017 & PLUS décembre 2016.

Remerciements :
Patrick Bertrand.
Jean-Paul Dubosq.
Crédit photos :

Collection Michel Fouquet.
François Pivert.
Vincent Senault.
Thérèse Bonney bibliothèque Bancroft, Berkeley USA.

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