En 1869 le bassin du commerce est le théâtre d’une scène peu ordinaire. Ce fait divers dont un acte se déroule au Havre, est rapporté dans la presse nationale de l’époque.
Dans l'épisode local de ce fait divers, deux havrais seront mis à l’honneur, un gendarme et un calfat. Les journalistes et les illustrateurs ont relaté cette histoire dans leurs journaux respectifs mettant en scène ce crime odieux. Mais de quoi s’agit-il ? C’est l’histoire de Jean Baptiste Troppmann né en octobre 1849 à Cernay (Haut Rhin). Il a inscrit son nom en lettres rouge sang dans les archives judiciaires.
Jean Baptiste Troppmann © L’œuvre.
L’affaire débute dans la matinée du 20 septembre 1869. Ce jour-là un cultivateur de la Villette, Claude Langlois, se rendant à Pantin, remarque des traces de sang dans un champ de luzerne. Intrigué il les suit et abouti dans son champ labouré. Là il aperçoit un morceau d’étoffe dépassant de terre. En tirant dessus il ramène une tête humaine... l’affaire Troppmann commençait.
Le paysan Langlois découvre les cadavres. © Annales Judiciaires.
Affolé le cultivateur prévient les gendarmes, ceux-ci, sans même creuser la terre, mettent à jour six cadavres encore chauds. Celui d’une femme, d’une fillette et de quatre jeunes garçons. A quelques mètres de là le couteau et la pioche dont s’est servi l’assassin gisent à terre. La police mène une enquête au cours de laquelle un hôtelier reconnait les victimes, la femme Kinck (1) et ses enfants. Le mari absent est soupçonné, mais il est vite innocenté, et pour cause, il a été assassiné et enterré quelques jours plus tôt dans une forêt d’Alsace.
Troppmann avait monté un plan machiavélique pour soutirer de l’argent à cette famille, et après avoir assassiné le père attire le fils ainé dans un guet-apens pour le tuer et faire de même ensuite pour la femme et les enfants Kinck à Pantin
(1) Selon le journal ou la revue, le nom est écrit Kinck ou Klinck.
Scène de la découverte des six cadavres de la famille Kinck, dans le champ Langlois © Le Monde Illustré 1869.
La police mène une enquête où le nom de Jean Baptiste Tropmann revient souvent. Sentant les soupçons peser sur lui, Troppmann s’enfuit au Havre. De la cité océane il pense gagner les Etats-Unis avec l’argent et les bijoux qu’il avait soutiré aux Kinck. Il passe deux nuits dans deux hôtels différents sous le nom de « Fisch ». Ayant des allures suspectes et tenant des propos étranges, il est signalé à la gendarmerie.
En tournée d’inspection, le gendarme Ferrand entre dans l’auberge mal famée de la rue Royale (rue Faidherbe) qui d’ordinaire sert de refuge aux marins déserteurs de tous pays. Il remarque un homme placé dans un coin obscur ayant une allure ne correspondant pas à la « clientèle » ordinaire de cet établissement.
La rue Faidherbe, au début du XXème siècle. Coll Dan.
La rue Faidherbe de nos jours. © Dan.
Le gendarme s’approche de lui et lui demande ses papiers. Devant le trouble que manifeste Troppmann et ses réponses embarrassées à propos d’une blessure à la main, le gendarme décide de le conduire devant le procureur impérial. Pendant le trajet Troppmann échappe à la vigilance du gendarme et réussit à s’enfuir. Poursuivit par la foule prêtant main forte au gendarme, il se précipite sur un radeau amarré dans le bassin du commerce.
La presse de l’époque a illustré abondamment cet épisode avec des gravures plus ou moins fantaisistes représentant Le Havre. Havrais-dire vous en propose quelques-unes, afin que vous vous fassiez une idée de ce qui les a inspiré.
Le monde illustré d’octobre 1869. le repêchage de Tropmann, Sans doute la plus fidèle à la réalité.
Gravure extraite de : « Les crimes célèbres » 1870.
Gravure extraite des « Annales des Tribunaux ».
Dans l’illustration ci-dessous le dessinateur a pris soin de dessiner la tour François 1er, l’hôtel de Beauvoir et l’église Notre-Dame, ce qui signifierait que Troppmann a été repêché dans l’avant-port, alors que l’affaire se déroule bassin du commerce. De plus la tour François 1er et l’hôtel de Beauvoir n’existaient plus en 1869.
Gravure extraite de la revue "le monde illustré".
Des cartes postales ont été aussi édité à cette occasion, comme celle présentée ci-dessous.
Carte postale collection Michel Fouquet.
Une photo du début du XXème siècle nous permet d’avoir une idée plus exacte du lieu où Troppmann a plongé et du quai où travaillaient les calfats.
Le bassin du commerce avec un navire sur la pigoulière pour calfatage. Coll Dan.
Le héros de cet épisode Havrais, concernant l’affaire Troppmann, outre le gendarme Ferrand, est le calfat Haugel.
Reprenons le récit après l’arrestation par le gendarme Ferrand.
Troppmann, après avoir sauté sur le radeau dans le bassin du commerce, et voyant les marins s’avancer vers lui, plonge dans l’eau pour leur échapper. Le calfat Haugel s’élance derrière lui et le saisit au moment où il refait surface. Troppmann se débat et résiste à son sauveteur, lui prend les jambes pour l’entrainer dans les profondeurs. Haugel se débarrasse vigoureusement de son étreinte et à son tour l’envoie au fond. Épuisé par la lutte Troppmann remonte à la surface ou le calfat le saisit par les cheveux, et nage ainsi jusqu’au quai où il le dépose. La foule applaudit frénétiquement ayant suivi depuis le quai toutes les péripéties de ce « drame ».
Transporté au poste de sureté on trouva sur Troppmann les papiers compromettants et bijoux des Kinck preuves de ses crimes.
Troppmann est reconduit à Paris où son procès se déroule du 28 au 30 décembre 1869. Le verdict est la condamnation à mort. Il sera exécuté le 19 janvier 1870..
Le procès à Paris de Jean Baptiste Troppmann. © Images d'Epinal.
L’exécution de Jean Baptiste Troppmann. © Images d'Epinal.
Sources : le monde illustré octobre 1869.
Journal « L’œuvre » de 1937.
Les Annales des tribunaux 1869.
P. Bouchardon « Troppmann Édition Albin Michel 1950.
Jean-Baptiste Troppmann son jugement sa condamnation Édition Le Puy 1870.
Les crimes célèbre Par H-C et J-C Paris 1870.
Crédit photo collection Michel Fouquet. Dan. Images d'Epinal.
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