L'institution Saint Joseph 2-2
La Drôle de guerre.
Vingt et un professeurs sont mobilisés le 30 septembre 1939. Le nombre d'élèves est instable et varie jusqu’à l’évacuation en juin 1940. C’est Charles Theubet, éminent intellectuel, qui prend la direction de l’institution en novembre de la même année. Des exercices d’alerte sont organisés afin de courir au plus vite à la tranchée-abri creusée dans la cour de récréation.
Pendant les combats de mai et juin, 11 enseignants sont faits prisonniers, peu d’entre eux reviendront à la libération. L’armistice étant signé le 22 juin, élèves et professeurs reviennent au Havre et reprennent peu à peu le chemin de l’institution Saint Joseph.
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L’occupation.
En septembre 1940 l’institution est réquisitionnée par la Kriegsmarine. Néanmoins, comme toute l'Institution n’est pas occupée, on continue à donner des cours dans les parties restées libres. Saint Joseph continue de fonctionner ainsi vaille que vaille malgré le voisinage des marins, le manque de professeurs et les nombreuses alertes.
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En raison des bombardements anglais récurrents, les familles désertent Le Havre. Cela a pour conséquence la diminution du nombre élèves se présentant à Saint Joseph. De 300 en juin, ils n’en restera plus que 85 en octobre.
En 1942 un bombardement condamne l’accès à la chapelle.
En 1943 tous les enfants du Havre, dont quelques-uns sont scolarisés à l’institution, doivent quitter la ville afin de les soustraire aux bombardements.
Dans la nuit du 14 au 15 juin 1944 un bombardement plus violent que les autres éventre le bâtiment des professeurs et celui des classes.
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Devant ce désastre, les responsables de l’institution décident de déménager et sauver ce qui peut l’être. Un autre motif fait accélérer ce déménagement : le pillage, c’est monnaie courante à cette époque où chaque maison éventrée par les bombes est la proie des cambrioleurs.
Malgré le manque d’expérience des « déménageurs » et l’absence de moyen de transport, ce qui a pu être sauvé trouve refuge chez des amis de Saint Joseph.
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Mais où et comment continuer à donner des cours ?
Un familier de l’institution trouve un asile provisoire dans un jardin à moitié abandonné à Sanvic. Les élèves y feront des devoirs de vacances afin de rattraper le retard accumulé au cours de l’année.
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Le désastre.
L’été se passe ainsi jusqu’en septembre. Mais l’accalmie est de courte durée, la canonnade annonce l’approche de la bataille. Le Havre sera-t-il abandonné aux alliés sans coup férir ou défendu jusqu’à la dernière extrémité ?
Doit-on évacuer ou rester sur place alors que professeurs et élèves sont engagés au service de la Croix Rouge et de la Défense Passive ?
Malheureusement c’est l’option de la guerre à outrance qui l’emporte. Situé dans la zone la plus bombardée l’institution et ses dépendances sont complètement anéantis, rien n’y échappe.
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Fort heureusement sous les ruines de l’institution on ne déplore aucune victime. Mais tout autour un professeur, une servante, des élèves et anciens élèves sont tués. Charles Theubet le supérieur dira en voyant les ruines : « Qu’est-ce qu’une ruine, même totale, auprès de ce deuil ? Saint Joseph a payé sa large part du prix de la libération. »
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La période à Sainte-Adresse.
Le désastre passé, comment reprendre l’activité de l’Institution ? Le terrain à Sanvic est notoirement insuffisant et sans structure pour recevoir les élèves.
Fort heureusement le pensionnat Notre Dame de Bonne Espérance à Sainte-Adresse est inoccupé. Il est resté intact, n’ayant pas souffert des bombardements. La société propriétaire du lieu propose à l’institution de s’y installer provisoirement.
L’endroit a servi de magasins généraux aux allemands pendant la guerre. Aussi rien n’est prévu pour y recevoir des élèves. Dès lors, le pensionnat devient un véritable chantier. Vidé de son contenu, une équipe de menuisiers et de bénévoles créent en moins de six semaines un réfectoire, deux dortoirs et neuf classes. Travail rapide et intense qui permit d’accueillir les 230 élèves le 6 novembre 1944.
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L’hiver 1944-1945 est très rigoureux, élèves et professeurs le passent sans chauffage. Les
récréations sont plus fréquentes et animées pour éviter l’ankylose en classe. Comme le dira un des responsables de l’institution : « Avec toute cette neige point n’était besoin de gagner les Alpes, Sainte-Adresse y suffisait amplement. »
Certaines fêtes ne pouvant pas avoir lieu dans cet ancien pensionnat trop petit, c’est dans l’école primaire rue du Manoir qu’elles se déroulèrent.
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La chapelle du pensionnat étant elle aussi trop petite, les grandes cérémonies religieuses ont lieu dans l’église Saint Denis de Sainte-Adresse, seule capable de contenir les élèves et leurs parents ainsi que l'ensemble des professeurs et des administratifs.
Enfin Saint Jo.
Mais tout ceci n’est que provisoire, comment reconstruire l’institution et où ? Doit-on la reconstruire sur son ancien emplacement ? On écarte cette solution, l’abbé Theubet, toujours responsable de l’institution et avec lui d’autres membres administratifs, pensent que Le Havre allait s’étendre vers le nord. Pourquoi dès lors ne pas adopter une position plus centrale entre ville haute et ville basse pour s’y installer ?
Un terrain rue Félix Faure, et appartenant aux « Sœurs Blanches » était disponible. Les religieuses logeaient dans l’ancienne demeure du Président Félix Faure.
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Cette villa a subi d’importants dégâts lors des bombardements. Elle aurait sans doute pu être restaurée, mais les sœurs blanches n’avaient probablement pas les moyens de la remettre en état. De plus à une période où tout manquait n’était-il pas préférable de la raser et de vendre la
propriété ?
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C’est ce qui fut fait, le terrain est alors mis en vente. L’institution Saint Joseph entame les démarches nécessaires pour l’acquérir. Mais comme rien n’est jamais simple, il a fallu d’interminables discussions avec le ministère du logement, la coopérative de construction, la société de protection des sites, l’architecte Colboc (ancien élève de L’Institution) et les entreprises avant de signer l’acte d’achat.
L’abbé Theubet le supérieur ayant fait des études d’architecture avant son entrée au séminaire, est aidé par l’abbé Bréant, économe, pour concevoir cette nouvelle institution.
La 1ère pierre posée le 24 octobre 1950, s'ensuit la construction par elle-même avec l'entreprise Thireau-Morel. Ci-dessous les fondations du futur bâtiment administratif rue Félix Faure.
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Une autre vue des fondations, le photographe est tourné vers ce qui deviendra la cour.
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La photo ci-dessous est prise du fond de la future cour en direction du sud.
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Ci-dessous le photographe s’est positionné au même endroit et dans la même direction :
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Mais ce n’est que 3 ans plus tard que la nouvelle institution ouvrira ses portes. L’inauguration a lieu le samedi 24 octobre 1953 en présence de tous les amis de Saint Joseph, du maire Pierre Courant, du sénateur René Coty et de monsieur Bettencourt avec son adjoint J.M. Lenoble. À cette occasion un repas est donné dont voici le menu :
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Bien entendu au fil du temps l’Institution s’agrandit, des bâtiments nouveaux viennent compléter l'établissement à l'exemple des classes du premier cycle en 1955 ou de la chapelle en 1961.
Les deux photos suivantes permettent de voir les changements intervenus sur le bâtiment administratif vu de la cour.
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Ci-dessous le même endroit de nos jours avec l’ajout de nouveaux locaux aussi bien dans le bâtiment administratif que dans la cour.
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À l’opposé de cette vue vers le nord cette fois, et en comparant la cour de récréation en 1953-55 avec celle d’aujourd’hui, on se rend compte du travail accompli au cours de ces années.
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Ci-dessous le même lieu de nos jours. En « 1 » la chapelle bénie le 21 octobre 1961. En « 2 », le bâtiment construit en 1955 et en « 3 » les bâtiments construits après 1968.
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Cette chapelle a été construite sous la direction de l’abbé Cahierre qui succéda à l’abbé Theubet en 1955. Ce dernier fut le supérieur ayant eu la plus longue carrière à l’Institution. Il a traversé la guerre, a vécu la destruction de Saint Joseph, installé l’Institution à Sainte-Adresse et mis en place le nouveau Saint Jo rue Félix Faure. Havrais-Dire ne pouvait pas ne pas le citer.
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Avant de conclure, ces deux articles, jetons un dernier regard sur cette Institution et plus particulièrement sur l’intérieur de sa chapelle. Nous devons cette photo à monsieur Sylvain Fouésil.
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On pourrait dire encore mille choses à propos de l’Institution Saint Joseph. Raconter ses difficultés qui furent nombreuses. Rappeler ce que furent ses supérieurs, tous des hommes remarquables. De même pour tous ses professeurs et ceux ayant servi de près ou de loin à ce que cette institution puisse vivre.
On aurait pu mettre l’accent sur la loi Michel Debré qui modifiera l'organisation de l’instruction publique et privée dont celle de Saint Joseph.
Mais Havrais-dire voulait simplement donner un coup de projecteur sur cet établissement faisant partie de l’histoire du Havre. Cette évocation reflète non seulement la volonté de vivre de l’Institution, mais également celle des Havrais et du Havre dans laquelle l’institution a grandi et prospéré.
Sources :
Bulletin des anciens élèves de l’Institution Saint Joseph. Février et mars 1946.
Petite histoire de Saint Joseph. Jacques David 1995.
Max Bengtsson & Gilbert Betton : Centre historique du Havre. Quartiers Notre-Dame et Saint Joseph. 2005.
Crédit photos :
Petite histoire de Saint Joseph. Jacques David 1995.
Nicéphore.
Cédric Conseil.
Sylvain Fouésil.
Dan.
Merci de votre visite