Le théâtre du Havre. Deuxième partie.
Lors des représentations qui débutaient en général à 18h30, les spectateurs devaient attendre
dehors avant de pouvoir entrer dans la salle. Devant ce désagrément la ville demanda à Brunet-Debaine d’ajouter un péristyle (1) à l’entrée se mariant harmonieusement avec l’ensemble de la
façade. Ce sera chose faite en 1880, le théâtre restera ainsi jusqu’à sa disparition en 1944.
(1) Un péristyle sensiblement du même style construit par Brunet Debaine, existe toujours devant l’église Saint François.
Les artistes et spectacles.
Présenter tous les artistes et spectacles donnés au théâtre serait long et fastidieux. Nous n’en
citerons que quelques-uns parmi les plus marquants. Ainsi le gala donné au profit des volontaires anglais venus aider la France pendant la guerre de 1870. L’Angleterre étant neutre pendant ce conflit, des britanniques s’engagèrent aux côtés des Français afin de prendre part aux combats, ce qui leur valut cet hommage officiel dans le théâtre Havrais.
Parmi les pièces jouées au théâtre, l’une d’elle fera l’objet d’une série de cartes postales. Le
photographe avait fixé sur pellicule la pièce « La passion au Havre ».
Parmi les grandes artistes venues au théâtre, évoquons deux d’entre elles parmi les plus célèbres. Tout d’abord Mademoiselle Mars, très adulée partout en France. Elle connaissait Le Havre pour y avoir eu une affaire de cœur à l’âge de 16 ans. Par la suite elle y reviendra à plusieurs
reprises mais en tant qu’actrice cette fois. Ses prestations étaient très appréciées. Pour l’anecdote, son fils exercera les fonctions de courtier maritime au Havre de 1825 à 1826.
Une autre actrice très connue elle aussi, viendra fouler les planches Havraises, il s’agit de Virginie Déjazet, elle laissera son nom à un théâtre parisien toujours existant, dont elle était propriétaire,
Pour faire face à la concurrence des foires et autres divertissements populaires, le théâtre donnait des spectacles s’apparentant plus au cirque ou au cabaret. Les Havrais ont pu ainsi assister à des dressages de fauves en cage, à des acrobaties etc. Parmi ces troupes, le théâtre accueillit un groupe d’Amérindiens dirigé par O. Brockson.
La fin.
Comme bien souvent au Havre, il faut évoquer la seconde guerre mondiale et ses destructions ayant mis un point final à la vie de ce théâtre. Georges Godefroy dans son livre « Le Havre sous l’occupation » décrit l’arrivée des bombardiers le 5 septembre 1944, en voici des extraits de la page 168 :
La ville est calme, peu de monde dans les rues. […] À 17 h 45 une importante formation de Lancaster se présente venant de l’ouest. […] Aussitôt les fusées repères tombent des airs limitant l’objectif allant de la mer à l’ouest jusqu’à l’Hôtel de Ville à l’Est […] L’une de ces fusée repères tombe au milieu du boulevard Foch […] Gilbert Fernez la photographie, puis ayant vu s’ouvrir les portes de l’enfer, il va se mettre à l’abri ».
Cette photo de Gilbert Fernez la voici :
Au soir du 5 septembre le théâtre est anéanti. Les Havrais voulurent garder un souvenir de cet
édifice, c’est pourquoi de nos jours beaucoup de photos circulent le représentant en ruine.
Mais le pire sera la mort d’une centaine de résistants FFI cantonnés dans les sous-sols du Grand Théâtre. Ces partisans, dont neuf étaient des combattants du Groupe de Jean Andréani, étaient dans l’attente des ordres d’attaque. Avec eux beaucoup de Havrais furent ensevelis sous les
décombres du théâtre, ils ne purent être identifiés malgré les efforts des femmes et hommes de la Défense Passive.
La place qu’occupait le théâtre restera vide pendant des années, devenant un vaste parking ce qui fit le bonheur des automobilistes. Cet espace dégagé permettait aussi d’organiser de nombreuses manifestations, parmi celles-ci les foires expositions comme celle photographiée en 1952. Le point rouge représente l’emplacement du théâtre.
Les forains pouvaient déployer tout leur matériel sur cette vaste place. Les cirques furent nombreux à y planter leur chapiteau.
Malgré les difficultés financières, la municipalité étudie plusieurs projets de théâtre avec cinq
architectes. Si le désir de bien faire ne manque pas, par contre son financement est plus compliqué. Il fallait en effet que les dommages de guerre soient réglés en espèces et non en titres, ce qui aurait lourdement grevé le budget municipal. Néanmoins la ville présente son projet à la presse locale en mars 1958, où il est question d’un théâtre circulaire s’intégrant harmonieusement dans l’ensemble reconstruit par Auguste Perret.
Mais pour tous les Havrais ou ceux venant au Havre, cette place représentait l’endroit idéal pour
garer son véhicule. Des emplacements étaient toujours disponibles, sauf peut-être lors des grands évènements tels que cirques ou foires. Il est certain aussi que le nombre d’automobiles était beaucoup plus faible dans les années 1960 et 1970 ce qui facilitait le stationnement en ville.
Exceptionnellement la troisième et dernière partie sera publiée dimanche prochain 30 juin, avant la pause estivale.
Sources :
Histoire des théâtres du Havre première et deuxième partie de Charles Vesque 1875.
Les anciens Théâtres du Havre et d’Yvetot par Édouard Gosselin. 1875. Le Havre, Bibliothèque municipale.
Georges Godefroy : Le Havre sous l’occupation 1940-1944. Imprimerie de la presse 1965.
Journaux : Havre Libre & Havre Presse.
Les compagnons de la Libération et les Français Libres du Havre.
Le Havre 1717-1986. Jean Legoy, Martine Liotard, Henri Dulaurier, Éric Levilly. Éditions du p’tit Normand 1986.
Michel Eloy. Le Havre de 1517 à 1966.
Crédit photos : François Vaudour. Cédric Conseil. Nicéphore. Vincent Senault. Havre Libre. Gallica. Dan.
Merci de votre visite.