Les Cinémas Havrais. Première partie.
Les précurseurs
Havrais-Dire se propose de retracer, non pas l’histoire du cinéma, mais l’histoire des salles de
cinéma Havraises. Pérennes ou provisoires elles ont marqué la vie des Havrais pendant plus d’un siècle. Nous évoquerons les toutes premières comme les toutes dernières.
Les premières projections de films apparaissent au Havre le 28 avril 1896 au Moulin Rouge un café-concert situé aux 4 et 6 rue Jules Lecesne, avec un appareil nommé Kinétographe des frères Lumière.
La même année Léon Gaumont donne une projection dans la salle de mariage de l’Hôtel de Ville avec un appareil projetant de plus grandes images, son appareil est un Chronophotographe.
D’autres opérateurs ambulants projettent des films dans des lieux publics tels l’hôtel Frascati, la brasserie Tortoni, avec le procédé kinétographe.
Cependant c’est avec les forains que le cinéma devient véritablement populaire. Ainsi dès 1898 à la foire Saint Michel un certain Grenier, présente sa grande attraction : le cinéma perfectionné
cronophotographe, ensuite le Biographe. Le nom des appareils change au fur et à mesure des
progrès techniques et des constructeurs, ainsi celui des frères Lumière le Kinétographe deviendra le Cinématographe, terme parvenu jusqu’à nous.
En 1899 on retrouve Grenier associé avec Garnier. Mais la concurrence commence à se faire sentir avec un sérieux rival Le cinéma Lumière. Ce dernier présente ses films sur un écran de 20m2 sous une tente. Sa publicité stipule que les images grandeur naturelle réunissent netteté et finesse. Au programme figurent les funérailles de Félix Faure.
Malgré cette concurrence la réputation de Grenier est toujours intacte. Ainsi en 1900 son Théâtre électrique a les honneurs de la presse où l’on peut lire dans le Petit Havre du 1er octobre : « …au lieu d’entendre crier sans cesse, prenez vos billets, on voit le personnel se mettre en quatre pour éviter la bousculade ».
Parmi les forains proposant des projections cinématographiques, citons aussi le Théâtre Flavigny tenu par des Havrais. Ils tentent une des premières synchronisations sonores. Sur l’écran muet un moine et une religieuse chantent, et dans la salle un phonographe diffuse la chanson, mais était-ce bien synchronisé… ?
Toujours dans cette foire de 1900, on y trouve encore : The Royal Bioscope montrant une ample collection de photos animées, ou encore : Le Théâtre-Concert des Fantoches Parisiens.
Ainsi de foire en foire, d’année en année, ils sont une dizaine de forains à présenter des films avec des programmes diversifiés mais d’une médiocre qualité technique.
En effet, à cette époque l’image projetée a le grave défaut de trembler, aussi pour remédier à cet
inconvénient on distribue des petites grilles en carton que l’on tient devant les yeux.
Le tremblement disparait-il pour autant… ?
Les Brasseries profitent de l’engouement pour le cinéma et proposent à leur clientèle des projections de films en plus de leurs propres spectacles. La brasserie Excelsior en est un exemple, elle offre des intermèdes cinématographiques entre deux autres divertissements.
D’autres établissements présentent des films, il est vrai de courte durée, le cinéma est alors utilisé comme un produit d’appel, méthode utilisée par Les Folies Bergères, l’Hôtel Frascati, le casino Marie-Christine etc. Les grands magasins n’échappent pas au phénomène de mode et suivent le mouvement comme le Grand Bazar rue de Paris.
Vers les salles uniquement consacrées au cinéma.
À la même époque, des exploitants de passage cherchent une salle pour projeter leurs films sans faire appel aux forains, aux brasseries ou encore aux grands magasins. Une opportunité s’offre à eux avec le théâtre-cirque et la salle de la Lyre Havraise où ils présentent leurs films les jours de
relâche ou en l’absence de tout spectacle.
À ce moment du récit il faut retenir 4 noms : Auguste et Louis Lumière, Charles Pathé et Léon Gaumont. Ce sont quatre personnages qui élèvent le cinéma au rang d’une industrie.
Ils comprennent très vite le potentiel de ce nouveau divertissement promis à un bel avenir.
Ils perfectionnent les appareils de prises de vues et de projection et créent leur propre réseau de salles à travers toute la France.
Dès lors ils se livrent à une guerre sans merci pour l’exclusivité et la distribution des films. Cette concurrence effrénée se poursuit encore de nos jours entre Pathé et Gaumont.
Toujours est-il qu’à partir de cette époque les Havrais n’attendent plus la venue des foires pour
visionner des films puisqu’ils peuvent les voir dans les salles, ce qui entraîne les forains à
abandonner cette activité.
Qui ne connait pas l’arroseur arrosé des Frères Lumière ?
Léon Gaumont fera du prénom de sa mère, Marguerite, un sigle toujours existant de nos jours.
Quant au sigle Pathé il est lui aussi parvenu jusqu’à nous depuis sa création, avec parfois des styles différents mais toujours avec l’emblème du coq.
Le cinéma au Havre pendant la première guerre mondiale
À la déclaration de la guerre, en août 1914, tous les établissements publics ferment leurs portes. Il faut attendre 1915 pour voir la réouverture de certaines scènes de théâtre ou de cinéma.
La brasserie Olympia cinéma grande taverne en fait partie. Son programme cinématographique est au profit exclusif des œuvres de guerre.
Puis petit à petit la guerre se prolongeant, l’Olympia propose des films mettant au premier plan les noms d’acteurs ou actrices, comme ci-dessous.
La caractéristique de cette salle est de projeter les films par transparence, ce qui permettait au
public de ne pas se mettre dans le champ de projection de l’image.
Certains cinémas apparus pendant le conflit, disparaissent sans laisser de trace. Ainsi l’Alhambra de Bléville, une salle des fêtes transformée en cinéma, ne réapparait pas après la première guerre mondiale.
Après 1918 toutes les brasseries, sauf exception on le verra prochainement, ne poursuivent pas leur activité cinématographique. Celle-ci est devenue une industrie avec ses contraintes et ses
réseaux de distributions. Il n’y avait plus de place pour les autodidactes et les amateurs.
À partir de cette époque, les cinémas seront classés en deux catégories, ceux ayant l’exclusivité des films sur la région Havraise, et ceux les rediffusant quelque temps plus tard. Ces salles seront nommés « cinéma de quartier ».
Nous allons revenir sur chacune d’elle et passer en revue les principales salles de cinéma qu’ont pu connaître les Havrais.
* * * *
Sources :
Journal « Le grand illustré du Havre » du 1-05-1896.
Le Petit Havre de 1985 à 1944.
*Jean Legoy Le peuple du Havre et son histoire Tome III. 1914-1940.
Les premiers pas du cinématographe au Havre par Jean Legoy 1981.
Le Livre d‘or de de la cinématographie de G. Dureau 1901.
Annuaires Micaux de différentes années.
Charles Vesque : Histoire des rues du Havre tome 1 & 2.
Crédit photos :
RTBF
Archives Municipales du Havre.
Les premiers pas du cinématographe au Havre par Jean Legoy 1981.
Dan..
Merci de votre visite. Pour cette saga des cinémas du Havre, exceptionnellement Havrais-Dire paraîtra tous les dimanches jusqu’à la fin de cette série. La semaine Prochaine « Théâtre-Cirque Omnia – Cinéma Omnia Pathé ».