Les cinémas Havrais -14- Cinéma des Arts- Carillon - ABC - Concorde
LE CINÉMA DES ARTS - LE CARILLON - L’A.B.C. - LE CONCORDE
Quatre noms pour un seul cinéma en réalité. Ils se sont succédés les uns après les autres au même endroit avec chacun un nom différent.
Une grande partie de leur histoire est intimement liée aux Chassin (1). Remontons aux sources pour en comprendre la filiation.
(1) Dans les journaux ou les Micaux, le nom d’Armand-Émile Chassin est tour à tour orthographié : Chassin Chassaing ou Chassain. (Tous directeur de cinéma). J’ai opté pour l’orthographe la plus utilisée « Chassin » dans tous les articles où son nom apparaitra.
Les origines
C’est le 7 novembre 1925 qu’est inauguré « Le Cinéma des Arts » propriété de madame Gabrielle-Louise Oger au 21 de la rue Bernardin de Saint-Pierre. Sa première projection est un film
documentaire en couleurs « La haute vallée de l’AAR », suivi du film « Patricia » avec Marion Davies une actrice américaine.
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Le cinéma Des Arts sera exploité par madame Oger jusqu’en 1931 année où elle le met en vente.
C’est Armand-Émile Chassin qui en fait l’acquisition. L’acte notarial stipule qu’il acquière non
seulement l’enseigne commerciale, mais également la licence d’exploitation et tout le matériel de projection. Une fois acquis Chassin rebaptisera le cinéma « Le Carillon Normand » en précisant sur ses annonces : « Ex Ciné Des Arts ».
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Mais Armand Chassin veut un cinéma, plus beau, plus grand. Pour le concevoir il fait appel à Henri Daigue, architecte bien connu au Havre,
C’est ainsi qu’en 1934 les Havrais peuvent contempler un des plus beaux cinémas d’avant-guerre du style « Art Déco » avec toujours comme enseigne « Le Carillon Normand ».
Si la plupart des cinémas n’ont pas, ou peu, été photographié, celui-ci a fait l’objet de l’attention d’un photographe réputé au Havre, Alfred Fornallaz.
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L’entrée et la façade du cinéma sont en béton accolés au pignon de la salle en brique. Une grande marquise permet aux spectateurs d’être à l’abri avant l’ouverture. Au-dessus de celle-ci un grand
vitrail en verres gravé de plusieurs teintes sur lequel le nom Carillon y est inscrit, ainsi que quatre
carillons. Cette œuvre est signé kaiser, la seule entreprise à réaliser des vitraux depuis 1850 au Havre.
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Le hall est à l’image de la façade avec ses carrelages et son luminaire polygonal muni des verres aux teintes différentes.
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La salle a une capacité de 700 places avec des sièges en bois avec strapontins dans les allées. Un balcon surplombe la salle du style Art Déco. Cet aménagement est bien illustré sur la photo ci-dessous.
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La période de la guerre
Pendant l’Occupation le cinéma est soumis aux mêmes contraintes que ses confrères notamment en ce qui concerne les horaires de fermetures. Mais il pouvait y avoir des exceptions comme celle qui eut lieu avec les J.N.P. (Jeunesses Nationales Populaire) qui organisèrent une projection d’un film de propagande : « Le Jeune Hitlérien ».
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L’organisation clandestine « Le Vagabond bien aimé » dirigé par Svétislav Tsiritch, veut profiter de cette occasion pour distribuer des tracts. Mais la soirée étant sous la haute surveillance de la Gestapo et des forces de police, comment procéder sans risquer des arrestations ?
Constance Foucher prit la parole et leur dit : « J’irai moi, personne ne se méfiera d’une vielle femme. »
Ce qui fut fait. Elle s’est assise au premier rang du balcon et dissimula un paquet de tracts sous son manteau qu’elle posa sur le rebord. Profitant de l’obscurité, elle pousse légèrement son manteau vers l’extérieur du balcon. Puis le remis sur ses genoux, ce qui libéra tous les tracts.
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En septembre 1944, Le Carillon disparaît sous les bombardements. Plus rien ne subsiste qu’un amoncellement de gravats.
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L’après-guerre
Cette histoire pourrait s’arrêter là, mais Armand Chassin n’a pas dit son dernier mot. En effet avec les dommages de guerre, il compte reconstruire son cinéma sous un autre nom : « Le Français ».
Avec son fils Charles, ils projettent de le réédifier au même endroit comme les dommages de guerre lui permettent. Mais avec le remembrement, l’entrée du cinéma ne sera plus rue Bernardin de Saint-Pierre mais rue Louis Brindeau dans l’îlot V-43.
Armand Chassin meurt en 1962, peut-être a-t-il pu voir son nouveau cinéma inauguré par son fils Charles au début des années 1960. Ce n’est pas sous le nom "Le Français " qu'il est baptisé comme c’était prévu, mais sous le nom A.B.C.
Cet A.B.C est plus qu’un cinéma, c’est aussi un théâtre ayant accueilli les troupes les plus
prestigieuses de Paris et les plus grands artistes de music-hall de l'époque tel Gilbert Bécaud…
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…ou, dans un autre registre, le groupe « Les Chats Sauvages » dont la prestation ne s’est pas
déroulée dans un calme absolu, c’est le moins que l’on puisse dire, avec intervention des forces de l’ordre.
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En 1972 Claude Champmont prend la direction de l’A.B.C et le rebaptise « Concorde ». Peu
photographié lui aussi, il a néanmoins suscité l’intérêt de Marc Georges Boulenger nous permettant aujourd’hui de connaître l’apparence de sa façade.
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Le même endroit de nos jours.
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Une autre vue du Concorde de Marc Georges Boulenger.
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La baisse de fréquentation des salles de cinéma entraine le dirigeant du Concorde à pratiquer la même stratégie que ses confères, à savoir multiplier les salles de projection. C’est ainsi que la grande salle est divisée en deux, malgré cela le problème persiste. En 1983 on passe à quatre salles, mais rien n’y fait, le mal est trop profond et ces remèdes ne suffisent pas. En conséquence le Concorde met fin à ses activités en 1988.
Aujourd’hui plusieurs commerçants, dont une salle de musculation, se partagent ce grand espace que fut le Concorde.
Sources :
Le Petit Havre via Gallica.
Philippe Leménager.
L’Art déco au Havre et ses alentours. Christine d’Aboville Patrick Bertrand 2025.
Svétislav Tsiritch. Le Collectif Havrais en résistance. Publié par la SHED. Société Havraise d’Études Diverses.
Havre Libre et Havre Presse.
Annuaires Micaux de différentes années.
Crédit photos :
Cédric Conseil
Lanterne Magique MGB.
Fornallaz via les Archives municipales du Havre.
Gallica.
Dan.
Merci de votre visite. Pour cette saga des cinémas du Havre,
exceptionnellement Havrais-Dire Paraîtra tous les dimanches matin jusqu’à la fin de cette série. La semaine Prochaine : Le Royal