Le cinéma sur les paquebots.
Dans le premier tiers du XXème siècle, le cinéma à bord des paquebots n’est pas une évidence.
Prenons l’exemple de « L’Ile de France » de la Compagnie Générale Transatlantique. Lancé en 1926, il n’y a pas de cinéma à bord. Pourtant celui-ci avait déjà pris place dans les loisirs des Français avec de nombreuses salles de cinéma, alors pourquoi les paquebots en étaient dépourvus ?
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Pour le comprendre suivons le journaliste Jean Vivié qui, en 1930, fait le voyage New-York Le Havre. Il raconte comment se passait les projections sur L’Ile de France :
« Je revenais de New-York avec Roger Hubert (1) retour d’Hollywood d’où il rapportait de
magnifiques prises de vues en couleurs. Pour organiser les séances cinématographiques, dans le grand salon, on débarrassait tables et fauteuils, on alignait des rangs de chaises pliantes, on
montait dans un grand bruit de ferraille la cabine de tôle à même le plancher et quelques hommes à bord venaient placer l’appareil de projection qui devait - dans un grand bruit de crécelles – nous
dispenser, sur un écran accroché sur la paroi d’en face, des images encore muettes et déjà vieillottes ».
(1) Directeur de la photographie.
Comme on peut le constater, projeter un film sur un paquebot n’est pas simple. Mais du fait qu’il
s’agissait de films muets, les problèmes d’installation sont encore à la portée de tout un chacun. Mais avec le cinéma parlant ce sera une tout autre affaire.
En effet la décoration de ces salons est souvent contraire aux lois élémentaires de l’acoustique. Aussi compte tenu de toutes ces contraintes techniques, la première véritable salle de cinéma sur un paquebot est celle du Normandie. Par contre elle a l’inconvénient d’avoir une projection arrière par transparence.
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Ce n’est qu’après la deuxième guerre mondiale que l’on construit de véritables salles de cinéma sur les paquebots. Cependant, les anciennes unités toujours en service, en étaient dépourvus, on
profite des travaux de reconfiguration de ces navires pour y remédier.
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C’est le cas du « De Grasse » construit en 1921, où les salons 1ère classe et Touriste sont
aménagées en salle de cinéma. Mais vu la configuration du salon « Touriste » l’écran est déroulé à partir d’un coffrage au plafond comme on peut le voir ci-dessous :
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Par contre les premières classes ont un équipement plus sophistiqué si on en juge par la cabine de projection.
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L’Ile de France n’échappe pas à cette modernisation. En plus d’être restructuré extérieurement, notamment avec la suppression d’une cheminée, c’est à l’intérieur que les principaux
aménagements sont effectués.
Parmi ceux-ci, l’ajout d’une véritable salle de cinéma construite dans la partie supérieure du navire.
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En 1949, soit dix ans après son dernier voyage à New-York, « l’Ile de France » reprend du service avec cette fois un véritable cinéma. Celui-ci est décoré au goût de l’époque, avec traitement
acoustique par staff en claustra et tissu de verre. La salle comprend 350 fauteuils disposés face à l’écran de 4 mètres de largeur. Son équipement technique n’a rien à envier aux salles à terre avec sa cabine de projection à double postes.
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Une seconde salle est aménagée pour la classe « touriste » du même style que celle sur le « De Grace ».
Les paquebots étant les ambassadeurs du « savoir-faire » Français, le journaliste Jean Vivié conclut son article (1949) en espérant qu’ils seront également les ambassadeurs de notre cinéma.
Par la suite les paquebots naviguant sous pavillon français perpétueront cette tradition, ils
exporteront notre « savoir-faire » au-delà des mers, aussi bien dans le domaine de la gastronomie de la mode ou du cinéma. Le « Liberté » fut de ceux-là.
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Notre dernier ambassadeur flottant fut le paquebot « France » le bien nommé. Il portera nos
couleurs non seulement aux États-Unis, mais aussi à travers le monde lors de ses croisières. Parmi les loisirs proposés à bord, le cinéma, tradition oblige…
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Le paquebot « France » a laissé un sillage qui ne se referme pas dans la mémoire des Havrais…
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* * *
La semaine prochaine ce n’est pas à proprement parler un article que je publierai, mais un récapitulatif des cinémas du Havre. J’en profiterai pour signaler quelques cinémas des communes limitrophes mais sans m’y attarder. Par contre si des lecteurs ont de quoi nourrir un article à ce
sujet, c’est avec plaisir que nous leur ouvrirons nos colonnes.
La semaine suivante, c’est-à-dire le 15 juin, à la demande de certains lecteurs, je raconterai comment étaient fabriqué les « rideaux réclames ». Cet article sera la conclusion définitive
concernant les cinémas.
Pour ceux que cela intéresse je donnerai, dans le cadre de la SHED, (Société Havraise d’Études Diverses) une conférence sur les cinémas Havrais le 11 septembre 2025 à 18 heures au fort de Tourneville.
Je voudrais terminer cette saga par un remerciement tout particulier à Laurent Comar. Ce lecteur m’a fourni une grande partie de la documentation m’ayant permis de relater l’histoire des cinémas du Havre avec de nombreux détails. Un grand merci Laurent.
Un grand merci également à tous ceux, collectionneurs, historien, ou correspondante de presse qui de près ou de loin, m’ont permis de mener à bien cette tâche.
Sources :
Principale source pour cet article le magazine « La cinématographie Française »
Crédits photos :
La Cinématographie Française.
Nicéphore.
Collection Havrais-Dire.
Dan.
Merci de votre visite. La semaine prochaine, récapitulatif des cinémas du Havre des
cinémas du Havre,