Le franchissement de la Seine. Quatrième partie
hésité entre un pont ou un tunnel. En 1938 on en était encore à se poser cette question, de plus c’était un projet qui ne concernait pas seulement le Havre, mais plus largement la Normandie et même la France.
En 1939, le ministre des travaux publics, Anatole de Monzie vient au Havre accueilli par Léon Meyer accompagné par des élites Havraises et départementales. Ensemble ils évoqueront la question du pont à Tancarville. Mais la visite du ministre bien qu’approuvant ce projet, concernait la mise à l’abri du pétrole nécessaire à la défense nationale.
Et dans cette perspective il était envisagé de creuser d’immenses réservoirs dans la falaise de Tancarville afin d’y stocker le pétrole de la C.I.M. et de la CFR.
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Malgré cette déconvenue, une étape importante fut franchie au cours de cette visite en faveur du pont. Monsieur Naud l’ingénieur en chef du département, démontra ses avantages et rejeta les
arguments des partisans du tunnel.
Son exposé étant convaincant, le ministre proposa alors de lancer une enquête d’utilité
publique à ce sujet. Après cette analyse, l’idée d’un tunnel sous la Seine sera généralement rejetée.
En 1939, le journal « Le Petit Havre » fera sa propre enquête auprès de ses lecteurs, pour connaître leur sentiment en faveur du pont-route à Tancarville.
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On demandait aux lecteurs de remplir ce formulaire :
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Bien entendu avec la guerre tout est remis en question. La construction du pont de Tancarville n’est plus à l’ordre du jour. Pas plus que le creusement de citernes dans les falaises de Tancarville.
C’est pourquoi, le 9 juin 1940, la C.I.M sabotera ses réserves plutôt que de les voir tomber entre les mains de l’ennemi.
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Mais si la construction du pont est remise aux calendes grecques, la création de ses voies d’accès pourraient occuper les chômeurs que la guerre a générés. C’est le souhait du conseil municipal
dirigé par Frédéric Risson, maire par intérim. Seule condition : il faut obtenir la participation
financière de l’État.
En octobre 1940, après la visite en zone occupée du ministre des communications* de Vichy, M. Berthelot, le gouvernement publie un décret accordant une aide financière en faveur des actions pouvant occuper les chômeurs. Cette décision permit le début des travaux pour le pont de Tancarville.
Ci-dessous, le plan schéma présenté par Le Petit Havre le 2 mars 1941, avec l’emplacement de la
cité ouvrière.
*terme qui équivaut à l’aménagement du territoire de nos jours.
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Ces travaux exigent beaucoup d’ouvriers et pour éviter de longs déplacements pour eux, une cité-dortoirs est construite à Tancarville même. Cette collectivité comporte tout ce qui est nécessaire à la vie de tous les jours, réfectoires, commodités, douches, infirmerie, etc.
La cuisine et les bâtiments de la direction sont un peu à l’écart, mais toujours à proximité du
chantier.
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Au final, c’est un véritable village pour les ouvriers qui s’est inscrit dans le paysage de Tancarville. L’activité de cette main-d’œuvre est essentiellement un travail de terrassement. La brouette, la pelle et la pioche sont leurs principaux outils.
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La cité ne sera pas occupée pendant toute la guerre, car faute de crédit suffisant, la construction des routes d’accès est interrompue et ne sera reprise qu’en 1955.
L’après-guerre
La construction et l'exploitation du pont de Tancarville est signée par le ministre des Travaux Publics et le président de la Chambre de Commerce du Havre le 18 décembre 1950. La convention de concession est ratifiée par le Parlement le 17 mai 1951. La CCI lance un concours international en vue de choisir les entreprises pour sa construction.
Une obligation était imposée aux concepteurs du pont, il ne fallait rien construire dans le lit de la Seine et le passage sous le tablier devait être d’au moins 48 mètres.
En 1955 commence les travaux, notamment l’achèvement des routes d’accès.
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Les travaux sont lancés le 15 novembre 1955. L'architecte Maurice Lagrange et les ingénieurs Marcel Huet et Nicolas Esquilan sont chargés de la conception des pylônes. Les entreprises
chargées des travaux sont réunies en groupement et compte entre autres l'entreprise Baudin-Chateauneuf, l'entreprise Campenon-Bernard et la société des Forges du Creusot.
Voici les phases essentielles de la construction du pont avec des photos explicites.
Les principaux éléments d’un pont suspendu sont : en premier les pylônes, ci-dessous celui de la rive droite…
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…et celui situé sur la rive gauche.
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Deux autres œuvres maitresses sont les massifs d’ancrage, ci-dessous rive gauche…
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… et celui de la rive droite, ancré dans la falaise même.
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Les câbles vont relier tous ces éléments et permettre la pose du tablier. Sur la photo ci-dessous, on peut remarquer que la navigation sur la Seine n’a pas été interrompue par la construction du pont de Tancarville.
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Puis, après l’installation des câbles, ce fut celui du tablier en commençant par le centre du pont et symétriquement de chaque côté.
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Autre œuvre majeure, le viaduc d’accès sur la rive gauche, il est composé de huit travées
indépendantes faites en béton précontraint.
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Il fallait aussi créer des routes, pour faciliter l’approche du pont sur les deux rives de la Seine. Des travaux importants et parfois loin du pont ont été effectués afin de facilité cet accès.
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L'abri et les cabines de péage ont été fabriqués par les établissements Caillard du Havre.
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Les essais de charge sont réalisés le 1er juillet 1959. Le pont est mis en service le 2 juillet de la même année. Sa travée centrale de 608 m est alors la plus longue d'Europe. À la fin des travaux, la construction du pont de Tancarville se chiffre à 8 Millions de Francs.
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Les ingénieurs avaient placé une série de capteurs afin de détecter et d’enregistrer la moindre
amplitude suspecte du pont.
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Le pont a été mis en service le 2 juillet 1959, mais c’est le 14 juillet suivant qu’il est ouvert
officiellement par les autorités. C’est Robert Buron, ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, et René Coty siégeant au Conseil constitutionnel, qui, ensemble, l’inaugurent.
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Le pont devient aussi une attraction touristique que beaucoup de touristes viennent voir.
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Le pont de Tancarville bien entendu facilitera et facilite toujours le passage de la Seine. Le montant du péage, l’année de son inauguration, était de 0,50 nouveaux Francs pour les deux roues, les
piétons, les cavaliers et… Les gros animaux ? !
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Quelques jours après son inauguration un touriste montre à son jeune frère ce pont qui
impressionnait par sa grandeur, ce touriste n’est autre que votre serviteur…
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Le pont de Tancarville en chiffres
- Longueur totale : 1420 m ;
- Longueur du tablier : 976 m en trois travées ;
- Portée de la travée centrale : 608 m ;
- Hauteur des pylônes : 125 m (plus hauts pylônes en béton armé d’Europe).
Les moyens humains :
- 600 ouvriers sur le chantier ;
- 3,5 millions d’heures de travail ouvrier ;
- 44 mois de travaux (novembre 1955 3 juillet 1959) ;
- Zéro accident mortel.
Pour construire le pont, il a fallu :
- 70 000 m3 de béton ;
- 19 000 tonnes d’acier ;
- 700 000 rivets ;
- 40 poutres de 40 tonnes et de 50 m en béton armé précontraint ;
- Le câble (62 m de hauteur environ) est constitué de 60 câbles élémentaires ;
- 4 000 véhicules par heure ;
- 8 millions de francs.
Sources :
Chambre de Commerce et d’Industrie du Havre 1959. Le Pont de Tancarville : genèse et réalisation. Le Havre.C.C.I. Seine estuaire 2025.
Région Normandie Inventaire général du patrimoine culturel octobre 2025.
Crédit photos :
C.C.I. Seine Estuaire.
Collection Nicéphore.
Wikipédia libre de droit
Collection et photo Dan.
Remerciements :
Gérard Deshayes.
Relecture :
Catherine Dubois.
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