L’escalier roulant (2-2) Pourquoi ne fonctionne-t-il plus ?
Si son histoire est relativement bien connue, un rapide sondage auprès du public nous apprend que son mécanisme de retournement l’est beaucoup moins voire pas du tout. Il est pourtant à l’origine de son classement en tant que « patrimoine industriel ».
C’est aussi une des raisons de son arrêt définitif. Alors pourquoi ne pas l’examiner en détail ?
Bref historique des escaliers mécaniques
Fruit d’une invention de Jess Wilford Reno en 1891, l’escalier mécanique est amélioré par l’ingénieur Edouard Hocquart de Paris. Ses escaliers équiperont les grands magasins et métros parisiens. Son dispositif se présente comme un simple escalier mais avec des marches mobiles. Celles-ci s’escamotent en haut de la montée mais ne sont pas utilisées pour la descente comme on peut le voir avec le schéma ci-dessous.
Le système Hocquart d'escalier mécanique dans les magasins parisiens. © S.H.A.S.
Les installations :
Le système mis au point pour l’escalier mécanique du Havre est différent puisque les marches de la montée sont aussi utilisées pour la descente.
Voici son schéma général avec, encadré en rouge, son local moteurs. Ils sont deux, un de 140 cv pour les jours d’affluence, et un de 45 cv pour l’exploitation normale. Un troisième moteur auxiliaire de 10 cv n’est utilisé que pour la maintenance.
Examinons tout d’abord les plans et photos de la station supérieure, où se trouvent les machines. Ce plan permet également de situer le système de retournement des marches de la partie supérieure. Nous aborderons la partie inférieure plus loin.
Les photos ci-dessous illustrent quelques éléments vus sur le schéma.
Nous retrouvons ces éléments sur une photo de 1928. La flèche bleue indique le volant avec la courroie, la flèche jaune la roue crantée avec ses chevrons (ici bien visibles), les flèches rouges les deux chaînes principales de chaque côté de l’escalier, et les flèches vertes les chaines secondaires.
Le moteur de 140 cv est utilisé aux heures de pointe, celui de 45 CV en dehors des heures d’affluence. Un moteur de 10 cv est utilisé par la maintenance afin de faire avancer l’escalier lentement. En raison du faible nombre de passagers transportés à la fin de son exploitation seul le moteur de 45 cv a été conservé.
Les deux chaînes principales actionnent également les chaînes du système de retournement.
Les équipements.
Les marches :
Elles sont en tôle sur cornières et le marchepied en bois dur. Elles sont munies de 4 roues (« galet » en terme technique). Ses deux essieux ont une longueur différente. Le plus long, étant assujetti aux chaînes secondaires. Le plus court est utilisé dans la phase du retournement.
Afin de mieux percevoir l’ensemble « marches & chaînes secondaires», voici une vue en plan de l’ensemble.
La chaîne utilisée pour le retournement :
Le schéma ci-dessous décompose la phase de retournement étape par étape.
La panne qui provoqua l’arrêt définitif de l’escalier se trouve ici. C’est la chaîne plate qui cassa empêchant les marches de se remettre dans la bonne position, la photo ci-dessous montre bien cette chaîne cassée et les marches empilées en vrac au-dessus.
Dans la station basse :
Le système de retournement des marches dans la station basse utilise le même principe hormis la vitesse de la chaîne de retournement moins rapide que celle de la chaîne secondaire.
Une autre particularité de la roue de la station basse, cette dernière est montée sur un chariot mobile comportant une crémaillère. Ce dispositif est utilisé pour la tension des chaînes secondaires. Explications avec les schémas ci-dessous.
Schéma 1
La roue est figurée en rouge avec son sens de rotation. Le trait bleu vertical représente la bonne position de l’axe de la roue assurant une tension constante aux chaînes secondaires. Le chariot mobile est colorisé en gris. La crémaillère fixe en jaune. Le contrepoids en bleu ciel relié à la crémaillère par un bras de levier et une roulette dentée.
Sur ce schéma les chaines sont bien tendues et le contrepoids en position basse.
Schéma 2
Les chaînes sont détendues tirant la roue dans le sens de la flèche verte. Le chariot mobile suit le mouvement faisant avancer la roulette dentée et lever le contrepoids. Celui-ci faisant levier son poids devient supérieur et fait revenir en arrière le chariot mobile.
Sur place bien entendu le système parait plus complexe. Il suffit de regarder la photo ci-dessous pour s’en convaincre. Ajoutons que dans cette partie mécanique se situait également le mécanisme de la main courante désigné par la flèche bleue. Ces mains courantes disparaitront lors de la remise en état de l’escalier roulant.
Nous avons vu sur le chariot de la roue en station basse, un mécanisme mettant en mouvement la main courante qui fonctionnait au début d’exploitation. Mais en raison du réaménagement de l’escalier en 1965 elle fut supprimée.
Il y aurait encore beaucoup à dire à propos de cet escalier mécanique, comme le système de régulation de la vitesse, ainsi que son système de freinage par frein à bande. On peut voir ces mécanismes sur les photos ci-dessous.
Conclusion… provisoire ?
Malgré ses 37 ans d’isolement et d’abandon les Havrais ne l’ont pas oublié, leur attachement à ce monument a été amplement démontré lors des journées du patrimoine 2018.
Plusieurs associations ont essayé de le présenter aussi bien aux Havrais comme aux touristes de passage. L’amicale de MM Marc Haspot et Christian Beuzit, y était parvenue lors des journées du patrimoine 2018 avec le concours des comités des quartiers « Danton » et « Massillon ».
Mais la visite de la station basse s’est avérée très décevante pour une grande majorité de visiteurs. D’une part ils n’ont vu aucune installation technique, de l’autre le périmètre visible dans la gare était trop restreint pour apercevoir quoi que ce soit de l’escalier lui-même.
Alors que faire ?
L’A.S.P.H., (Association de Sauvetage du Patrimoine Havrais) a pour objectif de faire visiter cet escalier sous l’égide de « Pays d’art et d’histoire ». Cette excursion enrichirait l’éventail des circuits proposés pour cet organisme. Les Havrais et les touristes pourraient ainsi voir ce qui fait la spécificité de ce monument, à savoir son mécanisme classé au patrimoine industriel en 1984.
Mais pour parvenir à cet objectif, l’association doit établir un partenariat avec la municipalité du Havre propriétaire du lieu. Bien entendu ces visites seraient faites dans le strict respect des monuments classés, mais aussi avec l’approbation des services compétents, notamment celui des bâtiments et de la sécurité. Pour le moment les discussions entre l’A.S.P.H. et la municipalité sont en cours.
Et qui sait à l’avenir si en plus des visites l’association pouvait travailler à la réfection du mécanisme en partenariat avec des mécènes et des fondations, tout le monde y trouverait son compte.
Pouvons-nous espérer que tous ces projets aboutissent ?
Dan avec la participation de Christopher Vimare.
Sources :
Le Génie Civil. Tome XCIV - N° 12 Samedi 30 mars 1929
Remerciements :
Marc Haspot Christian Beuzit.
Sébastien Haguette. Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie du Sedanais.
Christopher Vimare président de l’A.S.P.H. (Association de Sauvegarde du Patrimoine Havrais)
Geoffrey Caréna. De la LiA (réseau de transport au Havre.)
La page Goé, ou la libre expression d’un caricaturiste sur les sujets traités ici.
Merci de votre visite et commentaire.