Le Havre : La Compagnie Française des Extraits Tinctoriaux et Tannants.
Cette étrange appellation cache une des plus importantes usines du Havre d’autrefois.
Démolie en 1989 elle laisse une immense friche de 52 000 m2 sur laquelle viendront s’implanter, entres autres, des concessionnaires automobiles.
Mais que fabriquait-on dans cette usine ?
Il s’agissait principalement de teintures destinées à l’industrie textile et des tannants pour le travail du cuir.
Tout commence en 1862 quand Ernest Dubosc né le 4 juillet 1834 à Trouville-sur-Mer, fonde son entreprise « E. Dubosc et Cie » rue Prince Jérôme (G. Péri). C’est à partir de bois exotiques tel le Campêche importé d’Amérique du sud dont les teintures sont extraites. En 1867 un incendie détruit la fabrique composée de quatre corps de bâtiments.
Le déchargement du bois de Campêche quai Casimir Delavigne. Coll C. Conseil.
À la même époque, Dubosc fait construire une usine au 20 de la rue de la Briqueterie (rue Pressensé). Cet emplacement permet de puiser l’eau douce du canal Vauban proche.
Sa principale production concernait les colorants et les tannants, mais elle fabriquait également des tuiles et carreaux destinés aux entreprises du bâtiment.
Les tannants sont utilisés pour conserver les peaux en leur donnant de la souplesse et de la fermeté.
Ernest Dubosc meurt en 1902, ses fils, Georges et Albert, continuent l’œuvre de leur père sous le nom de « Dubosc Frères ».
En 1905, leur société fusionne avec des entreprises similaires à la leur, à savoir : Oesinger, Langlois, Jules Siegfried. Ensemble ils créent La « Compagnie Française des Extraits Tinctoriaux & Tannants ».
L’entreprise est ainsi représentée dans les revues de l’époque :
Une vue plus réaliste de l’usine en 1925 :
Le même point de vue de nos jours. © Google Earth.
La guerre apportera son lot de désolations, ainsi en septembre 1940 l’explosion d’un train de munitions stationné non loin des Extraits Tinctoriaux, occasionne d’importants dégâts à l’usine. Les bombes ont aussi leur part de destructions. En avril 1942, les bâtiments sont frappés durement déclenchant de graves incendies que les pompiers maîtrisent avec difficultés.
L’entonnoir dû à l’explosion du train de munitions. Collection François Pivert.
Malgré la guerre et la concurrence des pays producteurs, un nouveau défi attend les dirigeants des « Extraits Tinctoriaux ». L’industrie chimique de synthèse fabriquait les mêmes produits à des prix très inférieurs. Néanmoins l’entreprise se maintient jusqu’en 1962. L'usine est alors vendue à la société Westphalen Lemaître. Mais en 1980 elle décide de cesser toute activité avec encore 120 personnes à son effectif.
Vue aérienne de l’usine avant destruction. © AMH.
L’usine sera beaucoup photographiée avant sa destruction en 1989, ce qui permet aujourd’hui de nous faire une idée de ce qu’elle fut. Pour l’intérieur les photos sont de monsieur Pierre Rosconval :
Une vue de la cour intérieure. © Pierre Rosconval.
Une seconde vue de la cour intérieure. © Pierre Rosconval.
Le même endroit de nos jours © Dan.
Détail des petits bâtiments à l’intérieur du périmètre de l’usine. © Pierre Rosconval.
En 1989 les bâtiments de l’usine sont démolis. Grâce aux photos de monsieur Jean-Paul Étienne, nous avons un bel aperçu de ce que cette usine représentait.
La façade nord de l’usine et l’entrée rue de Pressensé. © Jean-Paul Étienne.
Dans la mesure du possible le même endroit aujourd’hui :
Le début de la rue de Pressensé de nos jours... © Dan.
…et si l’usine reprenait sa place. Dan.
Depuis le boulevard de Graville vers l’Est © Jean-Paul Étienne.
Le même endroit de nos jours. © Dan.
Comme dans bien d’entreprises à cette époque, le contremaître avait son logement de fonction à l'intérieur même du périmètre de l'usine.
La maison du contremaître. © Jean-Paul Étienne.
Aujourd’hui plus rien ne subsiste de cette usine. La partie nord du terrain est occupée par des concessionnaires automobiles. Quant à la partie sud, après la démolition des immeubles dénommés « Chicago » c’est un terrain vierge sur lequel un projet est en cours de réalisation.
Comparaison d’un même lieu à deux époques différentes. Le 1 représente la rue de la Vallée, le 2 le boulevard de Graville à la jonction avec la rue Marcel Paul. © IGN et Google Earth.
Sur le terrain laissé libre par les immeubles « Chicago » sera bientôt construit un parc sportif paysager comprenant 3 terrains de football dont 2 en gazon naturel et 1 synthétique, 1 piste de course à pied, un lieu d’accueil avec des vestiaires, une salle de réception, des bureaux pour associations sportives, une tribune de 300 places assises. Mais également des zones de pratique sportif libre et des zones de détente végétalisées.
Une vue d’ensemble du projet. © VDH.
Ainsi évolue Le Havre, où chaque époque ajoute ou retire sa pierre selon ses besoins ou ses nécessités.
Sources bibliographiques :
Claire Étienne : Inventaire Général du Patrimoine Culturel.
Jean-Pierre Houllemare : Les sapeurs-pompiers de la ville du Havre 2005.
Almanach du commerce 1891.
Annuaire Micaux de différentes années.
Crédit photos :
Cédric Conseil.
Jean-Paul Étienne.
Jean-Jacques et Pierre Rosconval.
Ville du Havre
Archives Municipales du Havre.
IGN.
Google Earth.
Dan.
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