Le Havre à l'heure du bain !
Faire sa toilette au XIX et début XXème siècle n’était pas chose aisée. Les logements n’avaient pas de salle de bains devenues si ordinaires de nos jours. De plus chauffer une grande quantité d’eau représentait un problème en raison de l’absence d’eau courante dans les immeubles.
La plupart du temps on se contentait d’un broc d’eau chaude pour se laver, ce qui n’était pas l’idéal pour une toilette complète.
La grande bourgeoisie avait résolu le problème en se faisant livrer l’eau chaude à domicile. Parmi ces « baigneurs » (terme utilisé pour cette profession) les Bains de Saint-François au 3 rue du Grand Croissant (rue de Bretagne aujourd’hui). A sa tête la veuve E. Cels. L’un des employés était monsieur Vincent Lainé qui, disait-il, n’était pas peu fier de rappeler que le Président Félix Faure n’en voulait pas d’autre comme baigneur.
Vincent Lainé en tablier blanc et veston sur la voiture à cheval, quai Lamblardie. © H. Lainé.
Les personnes aisées avaient également la possibilité de se rendre dans un établissement de bains. Ces structures proposaient non seulement des bains et douches de toutes natures (sic) mais également des bains médicaux, russes, sulfureux, de vapeur, d’eau douce ou de mer. Bien souvent ces prestations étaient accompagnées de soins corporels, pédicure, manucure, massages etc.
Parmi les bains les plus connus au Havre, les bains Notre-Dame 22 rue de Paris. Coll Dan.
Nous retrouvons les bains de Saint-François dans cet encart publicitaire. Coll Dan.
Bien évidemment la majorité de la population ne pouvait se permettre ce qui était encore considéré comme un « luxe » à l’époque. Aussi en 1879, le Docteur Gibert et Jules Siegfried décidèrent de construire un dispensaire d’une taille imposante. À l’intérieur on pouvait non seulement se faire soigner mais aussi faire ses ablutions avec bains ou douches.
Le dispensaire Gibert construit en 1879. Coll Dan.
La rue où était situé ce dispensaire n’existe plus. Si on devait le replacer dans le Havre d’aujourd’hui, il serait au beau milieu de l’avenue Foch, cette dernière ayant été décalée plus au nord lors de la reconstruction.
En vert l’avenue Foch dans son tracé actuel. Le carré violet représente le dispensaire Gibert. Coll dan.
Une photo de notre ami Cédric permet de mieux nous représenter les lieux, ici le dispensaire pendant la guerre.
Le dispensaire Gibert au cours de la guerre. La rue au premier plan est le boulevard Foch. Coll Cédric Conseil.
Ce dispensaire, en plus des bains et douches ordinaires, donnait des bains sulfureux. On versait dans le bain du Kalium Sulfuratum ayant des vertus anti-douleur. Ces bains étaient pris à part dans ce grand hospice.
Plan de coupe du dispensaire Gibert. En rouge les bains ordinaires, en bleu les bains sulfureux. Coll Dan.
Parmi les établissements de bains plus modestes, on trouvait celui au 6 de la rue Ernest Renan intitulé « Bains d’Ingouville. Société anonyme ». Tenu en 1900 par M. Frezel il a perduré jusqu’à la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui l’emplacement est occupé par l’école maternelle Ancelot.
Les Bains d’Ingouville 6 rue Ernest Renan. Collection Cédric Conseil.
Le même endroit de nos jours. © Dan.
Les dispensaires avec bains-douches d’autrefois ont disparu pour faire place aux CMS (Centre Médico-social). Néanmoins quelques témoins de cette époque révolue sont encore visibles de nos jours bien que leur rôle soit différent. Ainsi le dispensaire au 112 cours de la République héberge désormais la Croix rouge.
Le dispensaire Dollfus 112 cours de la République, construit en 1884 avec son toit à redans. © Dan.
Un autre témoin, le bâtiment des Bains-douches de la rue Lô Basso (1) est devenu un théâtre.
(1) Situé derrière la sortie haute du tunnel Jenner.
Le théâtre des bains-Douches 22 rue Lô Basso. © Dan.
L’intérieur a bien sûr été complètement remanié. Les cabines de douches ont disparu. Le sol a été rabaissé afin de créer un parterre. Divers aménagements tel le balcon, des vestiaires etc on achever la métamorphose du lieu que votre serviteur a connu en tant que bains douches municipales.
L’intérieur du théâtre vue depuis la scène. © Dan.
Chaque quartier avait ses bains-douches municipaux qui disparaîtront au fur et à mesure de l’amélioration de l’habitat. Les logements seront équipés petit à petit de salle de bains. L’entreprise locale la « Havraise des Matériaux » à travers ses cartes postales en fit la promotion dans les années 1930.
Carte postale de l’époque. Coll Dan.
Sources :
Escale numéro 166 février 1972. Témoigne de H. Lainé.
Nouvelles annales de la construction. N° 42 octobre 1910.
Annuaires Micaux.
Crédits photos.
Cédric Conseil.
H Lainé.
Dan.
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Cet article est le dernier de la saison 2022-2023. Havrais-Dire reprendra au mois d’octobre si tout va bien.
Vous pourrez me retrouver avant cela le jeudi 14 septembre à 18 h à la bibliothèque Oscar Niemeyer pour ma conférence sur l’escalier roulant. Entrée libre.
Merci à toutes et à tous pour vos visites et commentaires.
Havrais-Dire et ses amis vous souhaitent de bonnes vacances.