Le docteur Postel
Quand on évoque les bombardements sur Le Havre on pense tout de suite à la seconde guerre mondiale et à ses horribles destructions.
On évoque aussi ceux de 1694 et 1759 ou encore 1804, mais rarement celui de la première guerre mondiale et pour cause.
Un seul bombardement eu lieu dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1918. C’est un avion allemand modèle Gotha qui largua ses quatre bombes sur Le Havre.
Ci-dessous exemple de bombardier Gotha allemand :
D’après Alphonse Petit et un témoin de l’époque, la première bombe tomba au 67 de la rue Ernest Renan sur la résidence du Docteur Postel.
La deuxième à l’angle des rues Dumé d’Aplemont et Bougainville provoquant un profond entonnoir.
La troisième tomba sur la gare des arrivages de la petite vitesse tuant un cheval employé à la traction des wagons.
La quatrième tomba dans le bassin Vauban sans faire de dégâts.
C’est surtout la première bombe que retiendra l’histoire, elle tomba au 67 rue Ernest Renan tuant le Docteur Édouard Postel.
La maison du docteur Postel détruite par la première bombe. Coll Dan.
Le même endroit de nos jours. © Dan.
Le docteur Postel était très estimé au Havre, ses obsèques furent suivies par de nombreux Havrais, mais également par les notables de la ville, civils militaires et hospitalières.
C’est le chanoine Guerard curé de Saint Michel, qui procéda à la levée du corps et célébra le service funèbre.
L’église Saint Michel. Coll Dan.
L’intérieur de l'église Saint Michel. Coll Dan.
La dépouille mortelle est conduite au cimetière avec le maire Pierre François Morgand en tête du cortège. Le docteur Leroy, ami du défunt lut au nom de l’association syndicale des médecins, un discours retraçant la vie du docteur Postel. (1) Après la cérémonie la foule se retira lentement non sans avoir assuré sa sympathie profonde à la veuve et aux enfants du Docteur Postel.
(1) Intégralement retranscrit en fin d’article.
Pierre François Morgand, maire du Havre du 1er juillet 1914 au 7 décembre 1918 © AMH.
Sources :
Recueil de la S.H.E.D de 1938 page 68.
Journal « Le Petit Havre" du mardi 6 août 1918.
Histoire populaire de la ville du Havre. Imprimerie du commerce 1893.
Témoignage écrit au dos de la photo de la maison détruite du docteur Postel.
Sources iconographiques :
Collection et photo Dan.
Portrait du maire : Archives Municipales du Havre.
Photo Gotha libre de droit : Wikipédia.
Merci de votre visite. Voici la retranscription intégrale du discours du Docteur Leroy paru dans "Le Petit Havre" du mardi 6 août 1918 :
Mesdames, Messieurs,
Investi d’une fonction municipale, il m’a été donné de rendre les derniers devoirs au docteur Postel, et, aujourd’hui, délégué par tout le corps médical havrais, je viens sur cette tombe adresser à notre regretté confrère un suprême adieu. Qu’une grande fermeté soutienne ma parole émue.
Le docteur Édouard Postel, né à Caen, le 6 juin 1873, fit de brillantes humanités au collège Sainte-Marie et au lycée de cette ville. Guidé par ses goûts personnels et continuant une noble tradition de famille - trois Postel ont été médecins – il commença ses études médicales à l’école Préparatoire de Caen où il fut interne à l’Hôtel-Dieu pendant quatre années.
Attiré par la réputation des hôpitaux du Havre, il sollicita et obtint d’exercer les fonctions d’interne à l’Hôpital Pasteur, du 13 novembre 1898 au 13 septembre 1902. Pendant ce temps, il mérita la confiance et l’estime de ses chefs de service, et la Commission administrative des hôpitaux du Havre lui accorda la médaille d’or de l’internat, témoignage de son travail et de son dévouement pour les malades et les blessés. Reçu docteur en 1902, après avoir passé sa thèse devant la faculté de Paris sur un sujet tout nouveau : La gastro-entérostomie, thèse dédiée à son ancien maître le docteur Auvray, directeur de l’école de Médecine de Caen, il s’installa dans notre ville, succédant à un de nos plus regrettés confrère, le docteur Jean Lorentz.
Nommé médecin suppléant du bureau de Bienfaisance, médecin de plusieurs Société de secours mutuels, médecin-expert près les tribunaux, médecin légiste en 1916, il s’acquitta de ses fonctions avec zèle et probité, fut aimé de ses clients et apprécié par l’autorité judiciaire.
La guerre vint. Mobilisé en 1914 à l’hôpital complémentaire de Place Forte A. B. Hôpital Massillon, pendant treize mois, il se consacra au service des blessés ; mais sa santé, ébranlée par les fatigues antérieures et aggravée par les nuits passées au chevet des blessés, le força à accepter une réforme militaire.
Telle fut la carrière de notre regretté confrère.
Et la nuit fatale du 1 août 1918 arriva. La haute élévation d’âme ou la sublimité de langage des grands orateurs du grand siècle et la plume éloquente de nos écrivains pourraient seuls inonder de clartés nos pensées les plus intimes et donner un sens immortel, une immortelle beauté au sacrifice de la vie, quand il nous est demandé.
La mort est venue ravir un époux à une épouse, un père à ses enfants, enlever un homme épris d’idéal et de fraternité, un médecin dont le rôle dans la société est de soulager et de guérir. Cet époux, ce père, ce médecin survivra dans la mémoire des siens qui seront fiers de lui. Maudite soit la main qui a frappé !
Mon cher confrère, vous allez dormir votre dernier sommeil dans ce cimetière militaire, près des soldats que vous avez soignés ; eux sont morts au service de notre belle France, de notre France Immortelle ; vous êtes tombé sous la rafale d’un engin meurtrier, vous pouvez reposer près d’eux ; et lors des pieux pèlerinages que les générations futures feront aux tombes militaires, on lira votre nom avec un poignant respect.
Que Madame Postel, que ses chers enfants, que toute la famille me permettent de leur exprimer, au nom du corps médical havrais, non de vaines consolations mais notre profonde et sincère sympathie.
Docteur Postel, adieu au nom de nous tous.