Les Ursulines au Havre 2/3
Nous avons vu la semaine dernière l’installation des Ursulines dans leur nouveau couvent implanté entre les rues de Caroline, Bernardin de Saint-Pierre et Beauverger.
Les élèves étant de plus en plus nombreux, il fallait construire de nouveaux bâtiments autour de la cour centrale et acquérir des terrains au nord de l’ilot.
Cependant une autre inquiétude se fait jour, le couvent est environné de tous côtés de constructions nouvelles, comme le collège de garçons, les abattoirs, la fonderie de suif, et les forges. Le quartier devient de plus en plus populeux et bruyant avec ce voisinage.
Les Ursulines malgré les précautions prises pour rester hors de la vue et au calme, seront contraintes à quitter les lieux pour un endroit plus paisible convenant mieux à leur rôle d'enseignantes.
La rue Beauverger dans le même alignement du jardin des Ursulines, du collège de garçon et des abattoirs. AMH 14Fi26.
En 1847, une grande et belle propriété est à vendre à Ingouville sous le nom de "Pavillon d’Echerny". Son parc, ses bosquets, sa proximité avec la ville offrent tous les avantages de salubrité et de commodité qu’elles peuvent désirer. Elles envisagent de l’échanger contre les terrains qu’elles possèdent en ville. Les démarches sont entreprises dans ce sens, mais la révolution de février 1848 retarde la conclusion de l’affaire.
Six mois plus tard, le 27 aout 1848, Cavaignac, le chef du pouvoir exécutif, signe un décret par lequel cette forme de procédure est autorisée.
La flèche indique le domaine Decherny à Ingouville où les Ursulines souhaitent s'établir. AMH 1Fi0002.
Le domaine Decherny, (en couleur), vu de plus près. AMH 1Fi0002.
Une fois le domaine acquis, il fallait trouver l’argent nécessaire pour construire un nouveau monastère, une école et un pensionnat. Mais comment s'en procurer ?
Malgré leurs efforts la vente de leur ancien couvent s’éternisait. De plus les évènements politiques ne facilitent pas les transactions et par ailleurs les élèves se faisaient moins nombreux.
L’issue à cette situation viendra de Louis Napoléon alors Président de la République. Il autorise (1) la communauté des Ursulines à emprunter à un taux ne dépassant pas 5%, la somme de 250 000 Francs.
(1) A cette époque les femmes n’ayant pas les mêmes droits civils que les hommes, elles ne pouvaient emprunter de l’argent auprès des banques.
Louis Napoléon Bonaparte, Président de la République. © Gallica.
Le projet approuvé par les autorités ecclésiastiques, municipales et départementales, la construction pouvait commencer avec l’aide de l’entrepreneur Adolphe Perquier.
Tout est à faire sur ce nouveau domaine, et aussi surprenant que cela puisse paraître, la première construction réalisée est un caveau afin d’y enterrer la révérende mère dite "Sainte-Victoire" décédée peu avant l’installation des Ursulines. Mais ce n'est que deux mois plus tard que le préfet autorisera la création d'un cimetière dans l'enceinte même du domaine.
En juin 1851 on aménage les logements des sœurs et le 12 juillet de la même année toute la communauté est réunie dans leur nouvelle résidence.
La maison de la rue caroline est désormais délaissée. Elle ne le sera pas longtemps puisque ce sont les Pompiers qui s’y installent en 1855, voir ici :
http://havraisdire2.canalblog.com/archives/2019/03/24/37152117.html
Le Couvent des Ursulines transformé en caserne des pompiers. A gauche la rue Beauverger, à droite la rue de Caroline avec l’entrée du couvent. AMH 45Fi4.
Le nouveau couvent est officiellement inauguré en 1864 (1). Une chapelle provisoire est aménagée dans les locaux des sœurs. C’est l’abbé Duval, chapelain de la communauté, qui célèbre l’office en attendant la construction d’une véritable chapelle.
(1) selon d'autres sources c'est en 1861, la date de 1864 est donnée par T. Duval chapelain des Ursulines.
Reste à construire l’école avec ses dépendances, notamment le pensionnat et son dortoir.
Un apport d’argent arrive à point le 29 septembre 1851 avec la vente de leur ancien couvent à la ville.
Avec cette disponibilité financière elles font construire une chapelle à l’extérieur pour remplacer celle installée dans les locaux d’habitation.
En 1870 le couvent sert d’hôpital aux « mobiles » de l’armée. La communauté vit au ralenti les élèves et bon nombre de sœurs s’étant réfugiés à la campagne ou en famille. Mais tout rentre dans l'ordre en 1871.
Au fur et à mesure des années le domaine bâti s’agrandit avec l’accueil de plus en plus nombreux d’élèves. Avant 1897 le domaine des Ursulines se présentait ainsi :
Le domaine des Ursulines avant 1897. Coll dan.
La chapelle visible sur cette gravure est restée en place pendant 45 ans. Elle est remplacée en 1897 par celle conçue par l’architecte William Cargill.
La chapelle construite par W Cargill. © Dan.
La rue des Ormeaux.
Cette rue étroite rendait malaisé l’accès au couvent. En 1853 la communauté demande à la municipalité de l’élargir afin de pouvoir y circuler plus facilement. Mais la ville n’en reconnaissant pas l’urgence refusa.
Trente-cinq ans plus tard, en 1888, c’est la ville qui demande aux Ursulines de pouvoir l’agrandir.
Après discution les deux parties trouvent un accord, la communauté propose de céder une partie de terrain dans le champ appelé « Champ Renard » contre le terrain déclassé par le nouveau tracé des la rue des Ormeaux. La ville accepte avec en plus les 25.000 francs demandés par la communauté.
Deux plans sont nécessaires pour comprendre comment cette rue a été modifiée donnant aux Ursulines une parcelle de terrain.
La situation avant 1888. La rue des Ormeaux est figurée en violet. © Gallica.
La situation après 1888. La rue des Ormeaux est figurée en violet. Le triangle bleu représente la parcelle pour les Ursulines. AMH 1Fi0001.
A droite la rue des Ormeaux de nos jours, avec derrière l'arbre, la parcelle de terrain obtenue en 1888. © Dan.
En 1882 une première atteinte touche l’enseignement catholique sans toutefois l'interdire, la loi de jules Ferry rend obligatoire et gratuite l’instruction publique pour tous, ce qui n'arrangera pas les affaires des Ursulines déjà en proie à des difficultés de recrutement.
Les complications s’accumuleront jusqu’en 1904 avec la perspective d’une loi instituant la séparation de l’église et de l’État (1). Considérent la tournure des évènements, les Ursulines décident de quitter l’enseignement au Havre. Cela aura pour conséquence la vente de leur domaine et de tout leur bien immobilier en 1906.
Elles laissent derrière elles plusieurs générations de havraises instruites par leur savoir. Les Ursulines auront été présentent au Havre pendant près de 300 ans.
(1) Cette loi sera promulguée en 1905.
La semaine prochaine, ce qu’est devenu le domaine des Ursulines.
Sources :
Les Ursulines du Havre par T. Duval curé de Notre-Dame supérieur des Ursulines 1890.
Répertoire du patrimoine de la ville du Havre N° 12 juin 2003.
Histoire des rues du Havre tome 1er. Charles Théodore Vesque.
L’observatoire du Patrimoine Religieux.
A-E Borely. Histoire de la ville du Havre.
Sources iconographiques :
Archives Municipales du Havre.
Archives Départementales de la Seine Maritime.
Gallica.
Dan.
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