La base américaine au Havre pendant la première guerre mondiale. 2/2
L’organisation portuaire de la base américaine.
- La base américaine dispose de 250 mètres au quai de Saïgon, (1) bassin Bellot, pour l’amarrage des grands transports.
- De 220 mètres au quai de l’Escaut (2) où s’amarrent les bateaux d’un tonnage moyen.
- Autant au quai de la Seine et de la Meuse (2) servant au chargement des péniches.
- Un quai de 500 mètres au nouveau bassin de marée (Théophile Ducrocq) (3).
- Enfin de l'ensemble du quai d’Escale (4) où accostent chaque jour convois et transports de troupes.
Quand on sait l’encombrement du port du Havre à cette époque on peut comprendre qu’il ait fallu une organisation rigoureuse pour disposer de ces quais.
Le port du Havre avec les quais de déchargement pour les américains. plan Micaux.
Pendant cette période le port est si encombré qu’on ne sait plus où stocker les marchandises. Ainsi le coton est déposé à l’air libre devant le palais de la Bourse.
Les balles de coton devant la Bourse. Coll dan.
Le port étant surchargé et les dockers partis au front, le 57ème génie américain et sa logistique, apporte son aide pour tous déchargements de cargaisons. Ce travail est accompli en plus du service à leur armée.
Les marchandises sont dans un premier temps, entreposées dans les hangars en attendant leur expédition.
Le quai de Saïgon (1 sur plan) bassin Bellot. © Archives Nationales US.
Elles vont ensuite prendre deux chemins différents. Les unes partiront par wagons directement à partir du quai comme on l'observe sur la photo ci-dessous :
Le chargement des wagons directement sur le quai (1 sur plan). © Archives Nationales US.
Les autres caisses sont expédiées par voie fluviale afin de ne pas surcharger les trains en nombre insuffisant. Mais les cargaisons ne pouvant pas être transbordées directement du cargo aux péniches, elles transitent par camions jusqu’au quai de la Meuse ou de la Seine. (2 sur plan).
Le quai de la Meuse avec en arrière-plan la tour des dockers et la cheminée de la machinerie du quartier de l’Eure. © Archives Nationales US.
Une autre « marchandise » ne fait que transiter par le Havre, ce sont les avions en pièces détachées. Construits en Angleterre, ils sont expédiés dans des wagons sans boggie. Arrivés au Havre ces wagons sont mis sur camions, pour ensuite être expédiés par voie ferrée.
Un wagon sans boggie installé sur une plate-forme de camion dans le port du Havre. © Archives Nationales US.
Par contre il est une marchandise qui restera provisoirement sur les quais et dans le Havre. Ce sont les fameux « Liberty-Trucs » autrement dit les camions de la liberté comme il y a eu les "Liberty-Ship" lors de la seconde guerre mondiale.
Pour ne pas perdre de temps en usine, les américains expédient ces camions pré-montés, c’est à dire où seul le châssis, les ponts et la cabine sont assemblés. Cela permet de les mettre dans des caisses standardisées sans perdre de place. Les accessoires roues pneumatiques etc suivent dans d’autres caisses.
Le port du Havre devient alors un vaste atelier de montage, ci-dessous au quai de Saïgon.
Le Taylorisme mis en pratique sur le quai de Saïgon. © Archives Nationales US.
Ou sur le terre-plein nord du bassin de la Citadelle. Coll Dan.
Mais une fois montés il fallait les parquer avant leur expédition. Ce fut aussi un véritable casse-tête du fait qu’il y en avait beaucoup, alors on trouva de la place sur le port bien sûr comme sur la photo ci-dessous.
Abondance de camions sur le port. © Archives Nationales US.
Mais aussi en ville où ils sont regroupés avant d’être acheminés en convois vers leur destination. Sur la photo ci-dessous, prise sur la place Massillon, les convois et leurs conducteurs sont prêts à partir vers les théâtres d’opérations.
La place Massillon avec en arrière-plan, l’école du même nom. © Archives Nationales US.
L’origine et l’aspect technique de ces camions.
C’est dans l’urgence que le gouvernement américain réunit une commission afin de réaliser au plus vite une grande quantité de camions à destination de l’Europe. Les ingénieurs et industriels conçoivent un véhicule lourd de 3 à 5 tonnes avec transmission à 4 vitesses. La standardisation est poussée au maximum pour éviter les problèmes de pièces détachées. Le résultat est la mise à disposition pour l’armée d’un camion peu performant avec une consommation d’essence de 71 litres au 100 kilomètres.
Mais qu’importe cette consommation excessive, il faut du solide de l’efficace et du vite construit.
Le camion est surnommé « Liberty Truck » une appellation non officielle mais qui devient commune à toute l’armée américaine pendant la première guerre mondiale.
Jean Biette, toujours lui, est non seulement un témoin de cet arrivage massif de camions, mais il résumera par son talent cette page de l’histoire Havraise.
Les « Liberty Trucks », tableau de Jean Biette. © Chambre de Commerce et d’Industrie Seine Estuaire.
Sur cette aquarelle le peintre a condensé en une seule scène, tous les aspects concernant ces camions au Havre, depuis le déchargement des caisses, jusqu’à la mise en route du moteur. S’y ajoute une femme ramassant le bois dans ces temps de pénurie où le gaz et le charbon manquaient.
11 novembre 1918.
La déclaration de la fin des hostilités est un immense soulagement pour tout le monde, soldats comme civils. Afin de répandre la bonne nouvelle rapidement et avant la distribution des journaux, l’annonce est faite par voie d’affiches manuscrites sur la voie publique.
La bonne nouvelle annoncée aux Havrais comme aux alliés par voie d’affiches. © Archives Nationales US.
Ces affiches indiquent bien sûr la fin des hostilités sur tous les fronts à partir de 11 heures du matin mais aussi que toutes les armées ne dépasseront pas la ligne atteinte par celles-ci à cette date.
Autre information, mais locale celle-ci, le Contre-Amiral Didelot, gouverneur du Havre, décide de rétablir l’éclairage public dans les rues du Havre. Cet éclairage avait été supprimé afin d’éviter toutes tentatives d’incursion d’aéronefs ennemis.
Bilan pour la base américaine au Havre.
La base américaine a enregistré près de 300 navires dans le port du Havre, représentant 710 000 tonnes de matériel militaire, et 700 000 hommes y ont débarqué. (ces chiffres varient selon les sources)
Chargement de matériel sur une péniche surveillé par le capitaine S.L. Thomsen (sur le quai à droite) © Archives Nationales US.
Après l’armistice du matériel restera sur place. Bien qu’il soit officiellement vendu, il fera l’objet d’un intense marché noir. Quant aux camions « Liberty Trucks » ils auront une longue vie et certains serviront encore pendant la seconde guerre mondiale.
FIN
Un merci particulier à Philippe Valetoux et Laurent LB sans lesquels mes articles n’auraient pas eu la même teneur.
Sources :
La base navale du Havre de Albert Chatelle 1949.
Philippe Valetoux : Jean Biette Le Havre en aquarelle 1914-1918. Édition de la SHED.
Crédit photos :
Archives Nationals US.
Collection PR.
Aquarelles de Jean Biette : Chambre de Commerce et d’Industrie Seine Estuaire.
Havrais-Dire et ses amis vous souhaitent un joyeux Noël.
Merci de votre visite.