Le funiculaire du Havre 2-2
Dès avant la fin de la concession (1939) différents projets concernant le funiculaire sont étudiés, notamment celui de le prolonger jusqu’à la rue de la cavée verte par un souterrain. Autre éventualité, remplacer le funiculaire par un escalier mécanique à l’image de celui de la rue de Montmorency.
Mais la guerre interrompt ces investigations, c’est pourquoi la municipalité prolonge le régime de concession en vigueur.
Le 2 août 1944 une bombe détruit le viaduc métallique sur 35 mètres ainsi que la partie maçonnée sur lequel il prenait appui. Jusqu’à la fin des hostilités le funiculaire restera en l’état.
Le viaduc du funiculaire vu depuis l’hôpital après le bombardement du 2 août 1944. Collection François Pivert.
Les destructions, vue depuis la rue du Docteur Vigné. Collection Cédric Conseil.
En décembre 1944, les Havrais demandent par voie de presse que le funiculaire soit remis en état. La municipalité répond favorablement à cette demande mais fait savoir que la pénurie de matériaux ne permettait pas pour le moment de satisfaire ce souhait. Le Comité de Libération profitera de la venue du ministre de la Reconstruction, Raoul Dautry, pour attirer son attention sur cette question.
En 1945 la ville du Havre prend le contrôle direct de l’exploitation du Funiculaire. Le premier travail est bien sûr de reconstruire les installations, et ce sont les entreprises Béliard et Crighton pour la partie métallique du viaduc, et Thireau-Morel, pour la partie maçonnée à qui on confie ces travaux. Par contre le logement de fonction de la gare basse ne sera pas reconstruit.
Des nouvelles cabines plus grandes de 72 places sont installées, ce travail est observé par un public curieux de voir le déroulement de l’opération. C’est d’abord un camion qui vient déposer les cabines près de l’entrée.
Une dépose au centimètre près. Collection Éric Houri.
La photo ci-dessus nous permet d’apercevoir les dégâts d’un des pavillons de l’hôpital général, mais également ceux du logement de fonction au-dessus de la gare du funiculaire.
Cette cabine est d’abord posée sur des étais en vue de l’introduire dans l’entrée de la gare basse.
La délicate mise en place sur les étais. Opération suivie par le public curieux. Collection Éric Houri.
Hormis des crics, aucun autre moyen de levage n'est utilisé pour cette délicate manœuvre, néanmoins la carrosserie est positionnée à la bonne hauteur comme on peut le constater sur la photo ci-dessous :
Observez l’ouvrier sur la gauche avec son cric soulevant la cabine. Elle doit être d’aplomb pour entrer dans la gare basse. Collection Éric Houri.
Dans la gare d’autres ouvriers utiliseront un treuil posé sur la voie, pour hisser cette cabine à l’intérieur afin de la fixer sur son châssis. La photo ci-dessous donne un aperçu de l’opération depuis la gare.
Dans le cadre rouge le châssis du funiculaire dans la gare, et le treuil pour effectuer la manœuvre. Collection Éric Houri.
D’autres travaux d’entretien et de réparations sont entrepris comme le changement du câble d’alimentation électrique etc. Ainsi rénovée l’exploitation peut reprendre sur de nouvelles bases au bénéfice du marché de la place Thiers qui retrouve sa clientèle de la ville haute.
Le marché de la place Thiers avec en arrière-plan le funiculaire. Collection Éric Houri.
Mais le nombre de voyageurs diminue un peu plus chaque année, le tunnel Jenner inauguré en 1956 ayant absorbé une partie de la clientèle aussi bien piétonne que sur deux roues.
Dans le courant des années 1960, malgré un entretien constant, les installations du funiculaire sont techniquement périmées. Le niveau de sécurité ne correspond plus aux normes en vigueur, aussi le 6 mai 1969 le funiculaire est arrêté pour une longue durée avec la probabilité d'un arrêt définitif.
La voie ferrée délaissée sur laquelle poussent les herbes sauvages. © Havre-Magazine.
La municipalité envisage de le remplacer et par voie de presse demande aux Havrais ce qu’ils souhaiteraient à la place. Plusieurs choix sont proposés :
- téléphérique ?
- installation type « escalier mécanique » ?
- galerie avec ascenseur ?
- Funiculaire moderne ?
Cette dernière solution ayant prévalue les démarches nécessaires à son financement sont entreprises. Un emprunt est accordé à la ville en 1971, autorisant ainsi le début des travaux à l’automne de la même année.
Plutôt que de réparer ou améliorer ce qui existent déjà, la municipalité fait le choix de tout changer afin d’être en conformité avec les normes de sécurité en vigueurs, et de bénéficier des dernières avancées technologiques en matière de funiculaire.
La rue du Docteur Vigné sans le viaduc du funiculaire. Collection Dan.
Le nouveau viaduc métallique. Photo Dan.
Ce qui sera le plus frappant pour le public ce sera le remplacement des rails par des longrines (poutrelles en « U ») permettant au funiculaire de rouler sur pneus.
Le « Funi » en 2012 avec les longrines. Photo Dan.
Seuls resteront les murs des deux gares haute et basse, mais leur intérieur sera complètement remanié. C’est ainsi qu’en station haute la salle des machines reçoit un nouveau groupe Ward-Léonard comprenant un moteur de 132 KW entrainant une génératrice de 114 KW.
La salle des moteurs de nos jours. Photo Dan.
La ville du Havre invite les Havrais à découvrir ce nouveau funiculaire gratuitement lors d’une journée spéciale « Porte Ouverte ». Elle en profite pour les convier à venir constater l’avancée du chantier du parking Thiers. Ces deux opérations seront un franc succès puisqu’on comptabilisera plus de 3000 personnes pour la visite du chantier.
Les gros titres du journal Havre-Presse (1973) à l’occasion de cette journée « Porte Ouverte ».
Le début du chantier de la place Thiers en 1970. Collection Pascal Alinand.
Quant à la visite du Funiculaire et malgré l’absence de comptage des visiteurs, on peut estimer qu'elle connut le même engouement.
Photo accompagnant l’article du havre-Presse pour cette journée « Porte Ouverte. Collection Pascal Alinand.
Ce nouveau funiculaire n’aura pas à rougir vis-à-vis de ses prédécesseurs, comme un bon serviteur il remplira ses fonctions avec assiduité et régularité. Peu de choses changeront aux cours des années suivantes, si ce n’est l’accès à la gare basse avec ses deux couloirs, le supérieur étant réservé aux deux roues. Les guichets aussi suivent l’évolution des techniques, le tourniquet avec pièces de monnaie remplace l’homme chargé d’encaisser le prix du passage.
Les guichets de la gare basse en 2010. Photo Dan.
Comme toutes installations techniques le funiculaire doit être contrôlé afin de remplacer les pièces donnant des signes d’usure. Cela a lieu en général en été. Mais vient un moment où le matériel doit être complètement rénové. Ce sera le cas pour les cabines qui, atteintes par l’âge et l’oxydation, doivent être remises à neuf.
Le châssis étant toujours en bon état il ne sera pas changé. Aussi la municipalité demande à l’entreprise iséroise CIC Orio de refaire toute la structure des caisses et de la réaménager dans un style différent avec de nouveaux sièges etc.
L’enlèvement des cabines. Image France 3 Baie de Seine.
Après cinq mois de travaux, les nouvelles cabines sont remises en place le 18 octobre 2022. Elles reviennent avec des couleurs différentes qui rappellent la ville reconstruite par Auguste Perret avec son béton couleur sable.
La mise en place des nouvelles cabines. Photo Dan.
L’intérieur est recréé avec des matériaux inox dans un style tout à fait contemporain. Les sièges sont rabattables ce qui autorise une plus grande capacité d’embarquement en cas de besoin. Ci-dessous deux photos des cabines à 5 ans de distance.
L’intérieur du funiculaire à deux époques différentes. Photo Dan.
L’arrivée du funiculaire en gare haute. Photo Dan.
Depuis ce changement de cabine rien de particulier n’est à signaler à son sujet. Avec ses 134 ans d’existence et son personnel qualifié, le funiculaire se porte comme un charme, alors espérons qu’il en soit de même pour les 134 prochaines années…
FIN
Sources :
Revue bimestrielle de la Fédération des Amis des Chemins de Fer Secondaires (F.A.C.S.) 1971 et 1973.
Havre-Libre décembre 1944.
Séance publique du Conseil Municipal du 27 décembre 1946.
Le Havre magazine 18 novembre 1971.
Havre-Presse 22 janvier 1973.
Dictionnaire des rues du Havre Édition des Falaises 2011.
Sources iconographiques :
Éric Houri.
France 3 Baie de Seine.
Dan.
A Gérard Regnier
Cet article devait paraître le dimanche 11 février, mais suite à une panne importante de canalblog ce n’est seulement qu’aujourd’hui que vous avez pu le lire.
Désormais, et pour des raisons personnelles, mais aussi pour avoir du temps pour mes recherches, je ne publierai de nouvel article qu’une fois tous les quinze jours.
Néanmoins, lorsqu’il s’agira d’une série en plusieurs épisodes, la suite sera publiée la semaine suivante.
Suite à cette disposition le prochain article sera publié le dimanche 1 mars 2024.
Merci de votre compréhension.
Dan.