La reconstruction du port du Havre - Les épaves-
Préambule
Aux lectrices et lecteurs,
Canalblog a cessé d’exister en tant que tel, c’est désormais Overblog qui a repris le site en main avec leurs propres fonctionnalités. Si l’essentiel de mes articles est conservé avec leurs commentaires toutes mes réponses cependant ont disparues. J’en suis désolé et je n’ai aucun moyen de les récupérer.
Je vais continuer mes publications tous les quinze jours sur ce nouveau support en espérant que mes réponses soient cette fois conservées et visibles par tous.
J’espère également pour vous visiteurs et commentateurs, que rien ne soit changé pour écrire et envoyer un commentaire.
Je vous présente donc dans cette nouvelle configuration, un article qui je l’espère sera suivi de bien d’autres. Merci à toutes et à tous pour votre fidélité et bonne lecture.
Dan.
La reconstruction du port du Havre.
Havrais-Dire va s’attacher à raconter l’histoire de cette reconstruction en plusieurs épisodes. Ces articles seront diffusés séparément tout au long de l’année. Aujourd’hui nous relatons le tout début de cette remise en état, avec l’enlèvement des épaves disséminées un peu partout dans le port et son chenal d’accès.
Pourquoi tant d'épaves ?
À partir d’août 1944 les allemands détruisent systématiquement tous les ouvrages et outillages portuaires afin de les rendre inutilisables pour les alliés. Ils complètent ces destructions en coulant tous ce qui flottait : bateaux, barges, ponton etc.
On comptabilisera plus de trois cent épaves dans tous les secteurs du port (1).
(1) Ce chiffre varie selon les sources.
Les premières nécessités.
Dès le 20 septembre 1944 les américains aidés des Havrais, déminent la plage et aménagent le littoral pour recevoir les LST (Landing Ship Tank, navires de débarquement). De leurs flancs sortiront tout le matériel dont ils ont besoin pour la poursuite de la guerre, mais aussi tout le matériel dont ils auront besoin pour dégager les rues du Havre.
Les LST échoués devant l’hôtel Frascati. Collection Éric Houri.
De leur côté les services portuaires enlèveront les épaves encombrants le port. Leur première opération fut d’enlever les navires bloquant son chenal d’accès. Mission périlleuse s’il en est par forte houle.
De plus, le travail doit se dérouler en continu et nécessite parfois de rester quinze à vingt heures d’affilée sur place.
Le Liberty Ship " S.S. Lee Overman" ayant sauté sur une mine allemande et encombrant le chenal d’accès. Il a été ensuite remorqué sous les falaises et se trouve maintenant devant Aquacaux. Coll Cédric Conseil.
Dans ce chenal d’accès les navires abandonnés entre les digues où seul un passage de 90 mètres permet de sortir ou entrer dans le port.
Deux épaves échouées dans la passe entre les deux digues. Collection Éric Houri.
En 1958 un bilan fait état de 391 épaves parmi lesquelles on dénombre 75 péniches, 38 pontons, 34 remorqueurs fluviaux et de haute mer, 33 vedettes, 26 pontons BK, 21 chalands en ciment de 150 à 1.300 tonnes, 12 chalutiers en bois, 16 patrouilleurs-chalutiers armés, 7 cargos de 36 à 130 mètres de longueur, le ponton grue SIMBAD de 200 tonnes, deux suceuses (dragues), un quai Phoenix, une drague, deux aspirateurs à grains, et 116 épaves diverses (barges, portes d’écluses, bateaux de pêche, yachts, bateaux-portes, caisson en ciment etc. Et bien entendu la plus célèbres d’entre elles le paquebot PARIS mais ce dernier n’était pas dû aux allemands mais à un incendie intervenu en 1939 voir ici :
L’épave du PARIS, ici la découpe des ponts hissés par une grue et déposés sur un barge. Collection Éric Houri.
Les formes de radoub n’échappent pas aux sabotages, notamment la forme 7 dont le plan d’eau est parsemé d’épaves. Cette cale sèche étant indispensable pour la restauration du port, on décide de la remettre en fonction au plus vite.
La forme 7 et ses épaves. Collection Éric Houri.
Mais impossible de la fermer à cause de son bateau-porte trop endommagé. À cette époque, 1946, la France manque de moyens, dans ces conditions on fait appel aux chantiers anglais Vickers-Armstrong pour construire un nouveau bateau-porte. Ce dernier arrive en mars 1947 après une traversée mouvementée en raison d’une tempête.
De plus la mise en place de ce matériel n’a pas été sans mal. La présence du PARIS échoué près de l’entrée gêne les manœuvres. C’est après une approche compliquée entre l’épave et l’entrée de la forme 7 que ce nouveau bateau-porte prend sa place, jugez plutôt :
En rouge le bateau-porte, le pointillé représente le chemin qu’il doit parcourir avant de prendre sa place figurée par le trait rouge. La flèche bleue désigne l’épave du PARIS. Collection Éric Houri.
Le bateau-porte en rouge continue sa progression vers son emplacement. Collection Éric Houri.
Le bateau-porte en rouge bientôt dans le bon alignement. Collection Éric Houri.
Plus que quelques mètres pour être en place. Collection Éric Houri.
Le bateau-porte dans son emplacement. Collection Éric Houri.
Sur ces 391 épaves, 123 seront réparées et remises en service. L’époque étant à la pénurie de matériaux cela pouvait s’avérer rentable sinon utile, mais demandait un important travail de restauration.
Un exemple de cargo renfloué. Collection Éric Houri.
Une des techniques de renflouement consistait à soulever l’épave à l’aide d’élingues depuis deux pontons. En premier lieu on creuse une tranchée autour de la coque avec des moyens mécaniques.
Puis un scaphandrier engage sous la quille une sorte d’aiguille prolongée par des élingues. Ce travail est facilité sur un fond sableux, mais sur un enrochement cela pouvait durer une semaine.
Une fois les élingues en place, les deux pontons se placent au-dessus de l’épave. Leurs ballasts, tribord pour l’un, et bâbord pour l’autre, sont remplis d’eau de manière à baisser la ligne de flottaison.
Dans cette position on accroche les élingues puis, doucement, on chasse l’eau des ballasts faisant remonter les pontons à leur niveau de flottaison normal. Dans cette manœuvre l’épave est également soulevée pouvant ainsi être transportée vers un haut fond.
Deux pontons (1 & 2) pendant la manœuvre d’une remontée d’épave. Notez en arrière-plan le paquebot Liberté. Collection Éric Houri.
Une fois déposée sur le haut fond, l’épave découverte à marée basse pouvait être démantelée plus facilement et en toute sécurité.
Épaves déposées sur un haut fond découvert à marée basse. © PA.H. 1958.
Une autre technique de récupération, consiste à découper sous l’eau et au chalumeau, les épaves impossibles à relever. Les grues font partie du matériel difficilement récupérables.
Une grue préalablement découpée sous l’eau par les scaphandriers, déposée sur le quai. Collection Éric Houri.
De épaves il y en avait partout, le bassin du commerce avait aussi les siennes. Un chaland en ciment échappera de peu au sort réservé en général aux épaves. Réparé, il restera amarré dans la partie Est de ce bassin jusqu’en septembre 1969.
Le chaland en ciment échoué parmi d’autres épaves. En arrière-plan la cheminée de la manufacture des tabacs. Collection Éric Houri.
Ce chaland était celui des frères Gac : Gabriel, Henri et Louis, dont l’histoire a été racontée ici :
Tous les bassins ou presque avaient une ou plusieurs épaves, en voici quelques-unes ayant nécessité un travail de longue haleine.
Bassin de la citadelle probablement quai de Lisbonne. Collection Cédric Conseil.
Bassin de la Manche, au premier plan, en bas à gauche, le gril du quai de l’Ile. Collection Éric Houri.
Le même endroit de nos jours. Photo Dan.
Le dragage.
Mais dégager les épaves ne suffit pas pour reprendre une quelconque activité portuaire, il faut également draguer le chenal, un travail délaissé pendant quatre ans. Creusé à la cote moins 10 avant la guerre, il doit être de nouveau affouillé pour permettre aux navires de fort tonnage de l’emprunter. C’est plus de deux millions de mètres cubes qu’il faut enlever, soit l’équivalent du volume de 15 bassins du commerce. Le port ayant perdu la presque totalité de ses dragues, c’est avec un matériel vieillissant que ce travail est effectué.
Type de drague utilisée à cette période. Collection Éric Houri.
Mais la récupération des épaves n’était que le début du travail à accomplir pour retrouver une situation normale. D’autres tâches tout aussi importantes attendaient les services techniques du port.
Jules Moch, ministre des transports de 1945 à 1947, viendra se rendre compte par lui-même des besoins nécessaires à cette reconstruction. Il est reçu par Pierre Callet dirigeant de Port Autonome du Havre de 1944 à 1959. Ensemble avec le personnel technique et administratifs ils feront le point sur les besoins nécessaires à la poursuite des travaux.
Pierre Callet (1) en pleine discution avec Jules Moch (2). Collection Éric Houri.
Le ministre partira ensuite faire une visite complète du port sur un bateau du PAH afin de se rendre compte par lui-même de la tâche qui restait à accomplir.
À gauche Jules Moch sur la passerelle d’un bateau du PAH. Collection Éric Houri.
Havrais-Dire reviendra ultérieurement sur la suite des travaux portuaires, avec notamment la remise en état des formes de radoub.
Sources :
Havres-Libre de 1944 à 1949.
Patrick Bertrand. « Des Hommes, un port, une renaissance GPMH avril 2019.
Revues Escale numéro 52 de mars-avril 1958.
TH. Nègre Directeur Coloniale du Havre. « Le port du Havre et sa restauration ». PAH Janvier 1946.
Philippe Chapelain : « le Havre etc ». Pierre Callet, avril 2010.
Merci de votre visite.