L'Alcazar par Dan et Grégory Saillard
Ce café-concert garde une part de mystère car aucune image ne le représente, hormis une médiocre gravure. Son existence a été relativement courte, 28 ans seulement. Sa construction débute le 30 août 1862 et se termine huit mois plus tard.
Inauguré le 11 avril 1863, Charles Duval en est l'architecte, il avait déjà réalisé à Paris « Le Grand café Parisien », dans le style caractéristique du second empire.
L’entrée du « Grand Café » à Paris, œuvre de l’architecte Charles Duval. © Gallica.
Connaissant le style appliqué par cet architecte on peut dès lors imaginer ce que fut l ’intérieur de l’Alcazar dont Charles Vesque disait : « cet édifice dont l’extérieur ne répond pas à l’élégance des décorations intérieures… ». La médiocre gravure de l’intérieur, ci-dessous, n'en donne qu'une piètre idée.
L’intérieur de l’Alcazar en 1888. Dessin paru dans l’almanach du Courrier du Havre. Auteur inconnu.
Son emplacement dans Le Havre
Emplacement de l’Alcazar en 1870. La chaussée d’Ingouville ne deviendra rue Thiers qu’en 1877. La couleur bleue désigne la Banque de France. Le numéro 22 le temple de l'église réformée rue Anatole France (rue du Lycée à cette époque.) Coll Dan.
En 1900, le 19 de la rue Thiers, (l’ancienne entrée de l’Alcazar) est un magasin d’habillement tenu par M Yon.
Entouré en rouge, l’immeuble construit sur l'emplacement de l'ancienne entrée de l’Alcazar au 19 de la rue Thiers. Col Dan.
De nos jours voici la vision que l’on a du même endroit :
Le photographe est au même emplacement que celui de 1900. © Dan.
Cet établissement est créé par deux Havrais, Jules Cressent et Victor Guignes sur un emplacement décrit ainsi par le commissaire de police sur son rapport : « Sur cet emplacement il existe quatre ou cinq maisons en planches de la plus chétive apparence et derrière ces maisons une vaste cour dans laquelle sont de nombreuses baraques en bois servant d’atelier de menuiserie de maisons d’habitation et d’écuries contiguës à des magasins de lin et de coton. Il y aurait grand avantage à ce qu’un établissement, tel celui qu’on propose d’y établir, vint remplacer ces misérables huttes qui se trouvent à cet endroit. »
Une très rare photographie probablement de 1858, corrobore le rapport du commissaire de police :
En 1 l’emplacement où sera construit l’Alcazar. En 2 et 3 nous retrouvons ces immeubles sur la photo ci-dessous. En 4 L’enceinte de l’Hôpital Général. Collection Grégory Saillard.
Quelques années plus tard un photographe aura l’idée de prendre un cliché du même panorama mais à partir de l’Hôtel de Ville, ce qui nous permet de voir la coupole de l’Alcazar, mais aussi un autre édifice en construction, vous voyez lequel ?
Les mêmes repères plus un, sur ce cliché probablement des années 1860 ou 70, puisque le portail Byzantin de l’église Saint Michel (car il s’agit d’elle au repère 5) ne sera construit qu’en 1880. Collection Grégory Saillard.
De nos jours que verrait-on si l’on se replaçait au même endroit ou presque, sur l’Hôtel de Ville actuel et en utilisant les mêmes repères ?
Sur cette photo ont été replacés les repères de 1880 à savoir = 1 l’emplacement de l’Alcazar, 2 et 3 immeubles disparus, 4 l’enceinte de l’hôpital et 5 la nouvelle église Saint Michel construite sur le même emplacement que la précédente. Photo Jacques Haté.
Dès ses débuts l’Alcazar suscita le mécontentement du voisinage qui voyait là un lieu où l’on rencontre : « une masse de femmes prostituées » et considéré comme : « un lieu dangereux pour la discipline de la garnison ». Jusqu’à sa disparition l’Alcazar sera l’objet de telles accusations.
Ce café-concert ferma ses portes pendant la guerre avec la Prusse en 1870 et servit de caserne pour une partie des mobiles à la suite de la retraite de Rouen.
Réouvert en 1871 le nouveau directeur, monsieur Armstrong, essaie de relever la qualité des spectacles, et fait venir le chanteur Paulus qui a connu la gloire avec « en revenant de la revue ». Un journal édité uniquement pour l’Alcazar fournissaient toutes les informations sur les programmes en cours ou à venir comme ceux ci-dessous.
Le programme du 3 au 13 juillet 1884... Gallica.
...ou cet autre journal du 19 au 26 octobre1884 avec « l’orchestre électrique. Satanique, Infernal de Charles Bozza"...tout un programme. Gallica.
En avril 1888 l’Alcazar est fermé pour d’important travaux de restauration. Il ouvre à nouveau au mois d’octobre complètement rénové. « C’est une des plus belles salles de province » écrira un journaliste.
Mais le 7 janvier 1890 c’est la catastrophe, l’Alcazar flambe. Le feu ayant pris vers deux heures du matin. L’alerte est donnée par des cochers qui passaient par là. Une heure après le tube d’oxygène servant à la projection des ombres chinoise explose activant l’incendie. Au lever du jour il ne reste rien que des murs calcinés. L’Alcazar ne sera pas reconstruit. Des immeubles seront élevés à son emplacement.
Un dessin paru dans « La cloche illustrée » nous présente l’Alcazar après l’incendie. Coll FAH.
Ainsi se termine l’histoire de cet établissement qui voulait surpasser les plus grands café-concert parisiens.
Un autre Alcazar verra le jour au 12 de la rue Racine en 1922. Mais en 1925 n’ayant pas obtenu le succès espéré cet Alcazar 2 disparait et fait place au « Royal Dancing. ».
Sources :
Charles Vesque Histoire des rues du Havre tome I et II
Jean Legoy chronique.
Michel Eloy Le Havre de 1517 à 1966.
Le Havre et ses églises de Gilbert Décultot.
Annuaires Micaux
Crédit photos collection :
Grégory Saillard.
Dan.
Photos :
Jacques Haté.
Dan.
Gravures :
La Cloche Illustrée.
Gallica.
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