Il était une fois… Le petit vélo rouge.
Cette enseigne des années 1970 était bien connue des Havrais, on venait y acheter diverses marchandises à bon marché. Mais quel homme se cachait derrière ce "Petit Vélo Rouge" ?
Cet homme c'est Bernard Avenel né le 22 novembre 1923, avec son épouse Thérèse il aura un fils Dominique, et trois petits enfants : Samuel, Anne et Marie-Josèphe.
Bernard décède le 6 février 1990 à l’hôpital Saint Louis à Paris.
Bernard Avenel. © Collection famille Avenel.
Bernard avait deux Frères, Jean Pierre et Yves, Jean-Pierre était médecin au Port Autonome du Havre. Il disait à propos de Bernard : « Le grand homme de la famille c’est lui, il est capable de tout. »
À gauche Bernard Avenel avec Jean-Pierre et Yves © Collection famille Avenel.
Raconter la vie de Bernard Avenel c’est prendre le risque d’en dire trop ou pas assez.
Trop car sa vie professionnelle est bien remplie, il fut : imprimeur, métreur, entrepreneur de peinture, dynamiteur sur le port, récupérateur de métaux, cocher de fiacre, chauffeur-livreur (hippomobile), éleveur de chapons et bien d’autres encore.
Ou pas assez, car ses loisirs lui ont permis d’être aussi écrivain. Son roman « La valeur absolue » est l’histoire de cinq rescapés vivant en pleine forêt vierge après un accident d’avion. Paru en 1960, il a fait l’objet d’une critique élogieuse de la part de Max-Pol Fouchet chroniqueur bien connu à la télévision.
Mais quelles que soient ses activités, professionnelles ou privées, il s’y consacrait totalement avec passion et sans retenue.
L’écrivain Bernard Avenel © Collection famille Avenel.
Doté d’un « sixième sens » Bernard ne doutait pas de ses capacités. N’a-t-il pas dit un jour à un journaliste : « Aucun de mes patrons n’a voulu reconnaître que j’étais plus intelligent que lui. ». Il savait flairer les « bonnes affaires » mais aussi dénicher les talents. Un exemple : au Cameroun où il travaillait, il fait la connaissance d’un cordonnier jouant au football en amateur. Rentré en France, il n’a qu’une idée en tête, recommander ce joueur aux dirigeants du HAC. Ces derniers n’eurent pas à regretter ce recrutement, car ce « cordonnier » n’était autre que le footballeur Frédéric N’Doumbé, un des joueurs du Havre Athlétique Club ayant remporté la coupe de France en 1959.
L’équipe au complet avec Frédéric N’Doumbé encadré en rouge. Collection Dan.
En Afrique, Bernard découvre qu’il peut gagner sa vie en collectant la ferraille abandonnée qu’il revend ensuite. Revenu en France il met cette idée en pratique mais avec des articles provenant de faillites commerciales ou de saisies de douanes.
Mais pour que ce soit rentable il fallait obtenir des vendeurs un prix de vente le plus bas possible. Cette ristourne il l’obtenait en prenant le risque de tout racheter sans aucune distinction de qualité ni de quantité. C’est ainsi que naquit en 1967 l’idée du « Petit Vélo Rouge ». (1)
Il ouvre sa première boutique rue du Président Wilson, mais bien vite le manque de place se fait sentir. Il cherche un local plus vaste, et le trouve au 10 de la rue Gabriel Péri, occupé alors par l’annexe du magasin « Aux fabricants Réunis ».
(1) Voir complément d’information en fin d’article apporté par un lecteur témoin des débuts de Bernard Avenel au Havre.
Le « Petit Vélo Rouge « 10 rue Gabriel Péri © collection famille Avenel.
L’immeuble ayant abrité le « Petit Vélo Rouge » de nos jours. © Dan.
Pour vendre c’est bien connu il faut d’abord faire de la publicité, et dans ce domaine Bernard n’avait pas son pareil pour créer la sienne. Les journaux publiaient ses « réclames » inimaginables de nos jours, avec des à peu près frisant parfois la grivoiserie, qu’on en juge avec les extraits ci-dessous.
Un florilège des années 1970-1974. Collection Famille Avenel.
Acheter en lots comporte des risques. Les marchandises peuvent être abîmées souillées altérées etc. Mais que dire d’une marchandise contenant des sachets de drogues ? C’est la mésaventure arrivée à Bernard, et la raison pour laquelle il fait l’objet d’une enquête de police. Mais fort heureusement, factures à l’appui, Bernard peut expliquer cet incident.
De gauche à droite Bernard Avenel, un inspecteur de police, son fils Dominique, et un autre inspecteur de police. Collection famille Avenel.
Son magasin était à l’image du personnage, quelque peu désordonné, comme l’était également son bureau.
Le bureau de Bernard © Havre Magazine 1970.
Si on venait en curieux au « Petit Vélo Rouge », on en repartait souvent en client. On pouvait fouiller à loisir la marchandise exposée. On s’y rendait comme aujourd’hui on va dans un vide-greniers sans toujours savoir ce que l’on va y trouver, mais en espérant la « bonne affaire ». Sur 3 étages il n’était pas rare de trouver une idée de cadeau, un vêtement, un livre, un ustensile de cuisine ou l’outil qui nous manquait. De plus les vendeuses facilitaient notre choix jusqu’à faire essayer un sous-vêtement en plein magasin.
Essayage en plein magasin. © Havre Magazine 1970.
Un « bric-à-brac invraisemblable proposé à la clientèle. © Havre Magazine.1970.
Des livres de toutes sortes pour tous les goûts. © Havre Magazine. 1970.
Une des vendeuses a été présente de l’ouverture à la fermeture du « Petit Vélo Rouge » on l’appelait « Mamie », ici au rayon tissus. © Famille Avenel.
On dit « derrière chaque grand homme se cache une femme ». On pourrait appliquer cette citation à Thérèse l’épouse de Bernard qui, « de main de maître » dirigeait le magasin. Organisation, comptabilité rien ne lui échappait et si le Petit Vélo Rouge a connu son succès c’est aussi grâce à cette femme.
Madame Thérèse Avenel dans le magasin. © Famille Avenel.
La famille Avenel cédera le nom « Le Petit Vélo Rouge » en 1979. Il sera repris par un commerçant lui aussi connu des Havrais amateurs de photos « Roland Photo », mais ceci est une autre histoire.
Aujourd’hui l’immeuble abrite des logements pour étudiants. Mais si les grandes salles ont été transformées en studios, l’entrée et la cage d’escalier elles, n’ont « presque » pas changées.
L’entrée du 10 rue Gabriel Péri de nos jours. Dommage que le vélo présent ne soit pas rouge... © Dan.
Complément d’informations par Philippe Chambrelan
1 A l'origine (années 60) "Entrepôt Vente" dans Entrepôt Quai Frissard
A l'époque c'était des surplus militaires en majorité (français et américains):
-Vêtements et ustensiles en tous genres (chaussures à clous, musettes, calots, sacs à dos, et autres Gourdes, Quart, Gamelles, cuillers, fourchettes......)
-Du matériel militaire de transmission (émetteurs/récepteurs) et tout un tas de matériel électronique (ex des stations radar en pièces détachées), des Jumelles et optiques de toutes sortes etc....
2 Puis vint le déménagement du Quai Frissard à la rue Jules Lecesne (dans l'ancien dépôt de la CGFTE, au 99 de la rue...si j'ai bon souvenir).
Alors là ce fut du matériel militaire à outrance :
-des lots entiers de Topographie de l'armée (table à dessin, lunettes, trépieds, téodolite, des rouleaux de papiers calques…) le tout en quantités industrielles.
-des lots de matériel Sanitaire en tout genre : des pinces chirurgicales au rouleau de gaze et pansements et autre "Billard".
-des lots d'outillage mécanique (de quoi monter plusieurs ateliers de mécanique)
-des lots d'outillage d'usinage
-des lots d'Emetteur Récepteur (type BC659 et autres.)
-des lots d'instruments de mesures électrique.
Chaque semaine amenait un nouveau lot de plein de choses (militaires) qui faisait la joie des bricoleurs en tout genre
Ce qui fait que la surface totale du local était occupé (et pourtant c'était immense).
3 Ça doit être à l'époque que fut ouvert le magasin rue Président Wilson.
4 Puis ce fut l'ouverture du "Petit Vélo Rouge" au "10 rue Gabriel Péri" que notre ami Daniel vient de nous évoquer.
Je suis désolé de ne pas pouvoir mettre des dates exactes, mais l'historique me semble correct…à suivre peut-être !!!!
Remerciement :
Un merci tout particulier à madame Marie-Josèphe Avenel-Bouche, petite fille de Bernard Avenel. Son témoignage, ses archives familiales et ceux de la presse locale, m'ont permis d'écrire cet article.
Philippe Chambrelan pour son complément au sujet des tout débute de Bernard Avenel en tant que vendeur à bas prix.
Autres sources :
Le Havre-Magazine numéro 11 de juillet 1970.
La presse de l’époque.
Crédit photos :
Famille Avenel.
Havre Magazine.
Dan.
Il n'y aura pas d'article dimanche prochain 2 avril. Prochain article le dimanche 9 avril.
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