Le Grand Quai (1-4)

11 avril 2021

Le port du Havre est créé en 1517, à partir d’une crique naturelle ouverte sur la mer par l’Amiral du Chillou. Une partie des berges est étayée par un quai sur 64 mètres de longueur. Cette crique ainsi stabilisée doit être mise en communication avec le port d’Harfleur au moyen d’un canal de 7 km de long.
En raison du retard pris sur les travaux, ajouté à la difficulté de travailler sur des terrains marécageux le projet est abandonné. Il sera repris en 1667 avec le canal Vauban, mais ceci est une autre histoire.
Le futur port est donc construit à partir de cette crique naturelle tout comme le bassin du Roy et de la Barre.

La plaine marécageuse avant l’édification du Havre. Cerclée en rouge le village d’Ingouville et son église toujours existante aujourd’hui. © Alphonse Martin.

Dans ce que l’on peut déjà désigner comme l’avant-port, sur la rive nord plus exactement, est construit « le Grand Quai », en opposition avec le « petit quai Notre Dame », qui deviendra plus simplement quai Notre-Dame.
Une conséquence peu connue au sujet de l’édification du Havre, les terrains compris entre la nouvelle ville et Ingouville furent souvent inondés en raison de l’édification des fortifications autour de la jeune cité.

A gauche, les travaux de 1517. « A » grande crique, la flèche bleue désigne le futur grand quai, la partie rouge le creusement du chenal vers la mer avec les deux murs de quais et les tours projets G & H. « B » Ce qui deviendra le bassin du Roy. « C » futur bassin de la Barre. La flèche désigne le canal de 7 kilomètres devant relier la crique au port d’Harfleur. © Alphonse Martin. A droite Le Havre en 1530. © Dan.

Si le port est voulu par François 1^er en 1517, en revanche créer une ville ne fait pas partie de son projet. Guyon Le Roy sieur du Chillou est uniquement chargé de la construction d’un « havre » pour les navires et non de créer une cité.
De sa propre initiative il achète illégalement des terrains aux paysans d’Ingouville. C'est en vue de spéculations que du Chillou acquiert ces paturages limitrophes au futur grand quai. L’affaire est rapportée au seigneur de Graville réel propriétaire du domaine, les villageois n’ayant que l’usufruit. Il en résulte une discorde entre le sieur du Chillou et le seigneur de Graville.
L’incident est porté à la connaissance de François 1^er. Face à cette situation le monarque use de son droit royal et saisit les terres en 1532, toutefois il indemnise le seigneur de Graville pour la cession de ses terrains.
Une partie de la construction du Havre étant commencée il était difficile de revenir en arrière. Dès lors Le Havre pouvait prendre son essor.

Le Havre avec le grand quai en 1524. © Alphonse Martin.

L’habitat du grand quai est constitué en majorité de maisons à colombages, certaines d’entre-elles étaient encore visibles en 1944. Elles sont progressivement remplacées par des immeubles plus modernes au cours du XIXème et première moitié du XXème siècle.

A gauche exemple d’une arrière-cour, avec le débouché sur le grand quai © AMH : 8Fi8 & 8Fi9.
A droite le quartier Notre-Dame proche du grand quai avec une maison à colombages en 1944. © Dan

Le grand quai c’est aussi des hôtels de prestige comme l’Hôtel de l’Amirauté où Claude Monet peint son fameux tableau « Impression soleil levant » ici
Le musée bibliothèque construit de 1843 à 1845 est détruit en 1944. ICI
La douane dont la première partie est construite en 1754, par Antoine Matthieu Le Carpentier. En 1875, faute de place on ajoute un étage au-dessus de sa corniche. Elle disparaîtra également en 1944. ICI

A gauche Le musée bibliothèque. © Coulon. A droite La douane au début du XXème siècle. © Dan.

Le grand quai c’est à la fois un lieu de promenade, un quai de déchargement portuaire et un marché où la ménagère achète du poisson tout juste débarqué des bateaux.
Ici l’insolite le dispute au pittoresque, toutes les classes de la société s’y côtoient. Parfois un événement les rassemble tous, à l’exemple de l’arrivée d’Alain Gerbault après son tour du monde effectué à bord du « Firecrest » le 26 juillet 1929.

L‘arrivée d’Alain Gerbault sur son « Firecrest » le 26 juillet 1929. © Dan.

Les scènes de la vie quotidienne sur le grand quai attirent les promeneurs ou les curieux, à l’exemple des deux scènes suivantes. Si sur la première photo on comprend qu’il s’agit du débarquement d’animaux de fermes venus du calvados, sur la seconde on s’interroge sur le travail qu’effectue l’homme accroupi à côté du chien ?

A gauche on distingue sur le balcon l'enseigne de l'hôtel des Indes où l'écrivain Stendhal séjourna. © La Lanterne Magique Marc Georges Boulenger & Michel Fouquet.

Le grand quai est le lieu du débarquement de marchandises où, pour les protéger des intempéries, ont les recouvre d'une toile goudronnée. Des oiseaux exotiques venus de pays lointains sont vendus chez deux oiseleurs ayant leur boutique sur le quai. Deux scènes représentées sur les cartes postales ci-dessous.

Le débarquement et embarquement des marchandises sur le grand quai. A droite la boutique de l'oiseleur. © Dan.

Le grand quai en 1918.

Le producteur Albert Kahn, banquier et mécène français né en 1860, passionné de photographie et de cinéma, nous a laissé un documentaire tourné au Havre en août 1918. A cette époque la poursuite de la contrattaque alliée se poursuit en réponse à la puissante offensive allemande du printemps-été de cette année-là. Le film présente Le Havre, ville de garnison, où les soldats se mêlent aux civils sur le grand quai.

Si vous désirez revoir l'intégralité du film c'est ici

Suite la semaine prochaine.
Sources :
IV centenaire du Havre. Alphonse Martin 1917.
Le Havre un port : Serge Aubourg, Patrick Bertrand, Paul Scherrer. Editions Echos de vagues 2017.
Aline Lemonnier-Mercier « Le Grand Quai » 2017 & PLUS décembre 2016.
Musée départemental Albert Kahn Boulogne Billancourt (Hauts-de-Seine).
Gallica.
Crédit photos :
La Lanterne Magique Marc Georges Boulanger.
Collection Michel Fouquet.
Archives Municipales du Havre.
Collection Coulon.